Enseignants : comment repérer le harcèlement scolaire ?

Blog Enseignants : comment repérer le harcèlement scolaire ?

Par Marie-Charlotte CLERF le Mis à jour le 07/11/2018

harcèlement scolaire comment le repérer

Le harcèlement scolaire est un véritable fléau difficile à repérer, notamment par les enseignants. Marie-Charlotte Clerf, coach familial spécialiste du sujet, nous donne quelques pistes pour repérer un enfant harcelé et les mesures à prendre contre ses harceleurs.

Parce que le harcèlement des enfants se passe à l'école, dans la très grande majorité des cas, il est important de savoir ce qui peut être fait au niveau des établissements scolaires pour prévenir et lutter contre le harcèlement scolaire entre élèves.

En moyenne 10% des élèves de primaire et 20% des collégiens disent avoir été ou être régulièrement harcelés par leurs "camarades" au sein même de l'établissement scolaire. Les lieux de prédilection sont, par ordre décroissant : la cour, la sortie du collège, les WC puis le bus, en classe, dans les couloirs ou dans les vestiaires, et enfin à la cantine.

Alors comment reconnaître un enfant victime de harcèlement scolaire ? Comment réagir quand on est enseignant ou personnel de l'éducation ? Et surtout quelles mesures prendre contre les élèves harceleurs ? N'hésitez pas à contacter des associations d'aide aux victimes de harcèlement comme Marion la main tendue.

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Harcèlement scolaire : quelles conséquences pour les enfants harcelés

nuage de mots : harclement scolaire panneau Stop

Harcèlement scolaire : quels sont les signes qui doivent éveiller les soupçons ?

Harcèlement et chute de l'estime de soi

Les enfants victimes de harcèlement scolaire sont issus de tous milieux, de tout âge, de toutes cultures. Ce qui les distingue souvent : une forme de gentillesse ou d'empathie forte.
Le harcèlement peut être moral et ou physique. Dans la majorité des cas, il est subi en dehors du regard des adultes. Mais parfois au grand jour. Si les adultes ne réagissent pas, cela donne de fait une forme de validation morale au harceleur.

Les risques pour l'enfant harcelé sont d'abord la chute de l'estime de soi. Le plus souvent une baisse (rapide ou régulière) des résultats scolaires, un isolement ou une agressivité qui se développe (pour se défendre ou pour se faire renvoyer et faire ainsi cesser le problème).

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Jusqu'à la tentative de suicide

Le harcèlement peut conduire au suicide ou à la tentative de suicide. Cet acte terrible se fait généralement sur un « coup de tête », une pulsion pour « que le problème s'arrête » (et non forcément pour se supprimer). Il faut être conscient que cet acte épouvantable pour l'enfant qui le fait, donne des idées à d'autres enfants harcelés dans la même école...

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Comment reconnaître un enfant harcelé ?

Cela peut être compliqué de déceler le harcèlement car un enfant harcelé ne parle pas. Nous avons donné, dans un précédent article, des repères pour les parents. Voici ici quelques pistes pour les enseignants et les personnels d'éducation, afin de les aider à repérer un élève victime de harcèlement scolaire.

11 signes pour repérer un enfant harcelé

 

- Elève isolé dans la cour, qui lit toujours ou se réfugie systématiquement au CDI ou près des adultes.
- Elève souvent absent ou qui demande souvent à aller à l'infirmerie.
- Elève qui arrive au dernier moment et part le premier pour quitter le collège au plus vite.
- Elève qui évite le bus : ses parents viennent le chercher, il vient à vélo, à pieds.
- Elève seul pour déjeuner. Il peut avoir tenté de négocier pendant des heures pour trouver des camarades qui l'accepteront à leur table.
- Elève souvent bousculé en classe (ou dans le couloir).
- Elève qui dit avoir oublié ses affaires le plus souvent ou les fait tomber de manière systématique.
- Elève qui peut changer de comportement soudain en classe (agressivité, manque de concentration, fatigue excessive, repli sur soi...)
- Elève dont on se moque quand il prend la parole et pose des questions.
- Elève dont personne ne sait pourquoi il est absent. Personne ne se propose pour prendre les devoirs pour lui. Personne n'a les coordonnées.
- Elève dont les camarades de classe parlent en négatif et qui fait l'objet de rumeurs.

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Conseils aux enseignants : à ne pas faire si soupçon de harcèlement

Enseignants et harcèlement scolaire, les bons comportements

Avec cet élève dont on soupçonne qu'il est harcelé, il convient d'éviter les phrases qui minimisent ou cautionnent le harcèlement comme : « ce n'est pas grave ; ça arrive ; il faut que jeunesse se passe ; sois fort ; qu'as-tu fait pour qu'il dise cela ? tu te comportes comme un bébé, grandis ! ton camarade est tellement gentil... ».

Attention à ne pas punir un élève qui a un comportement étrange en classe, sans l'avoir entendu (seul) à la fin du cours. Cela pourrait être une révolte contre, par exemple, des coups pris dans les tibias toutes les minutes et qui restent invisibles...

L'école peut aussi avoir tendance à se déculpabiliser en accusant les parents : « ils n'ont aucune autorité ; c'est à cause de leur divorce ; ils cherchent à se disculper en attaquant l'école ». Ce n'est pourtant la faute de personne si cela arrive. Les parents et l'école devraient travailler ensemble pour tenter de résoudre le problème.

Attention aux changements de classe qui peuvent être perçus comme une victoire par les harceleurs, qui vont se sentir plus forts et intouchables. Cela nécessite d'y réfléchir avec l'élève concerné et ses parents. Le changement d'école peut être une bonne solution pour aider l'enfant harcelé à repartir à zéro, mais peut être perçu par la famille comme extrêmement injuste : pourquoi eux, les victimes, devraient ils s'en aller ?

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Etre à l'écoute du harcelé... et du harceleur

Surtout, il convient de ne jamais recevoir les harceleurs et les harcelés ensemble : l'enfant harcelé risque de minimiser les faits par peur de la vengeance. Et les parents du harceleurs risquent de défendre leur enfant, ce qui sera terrible pour le « harcelé ».

Il est important d'accueillir et d'écouter un enfant qui vient parler : c'est extrêment difficile pour lui, car il a honte, se sent coupable ("si on me harcèle, c'est que je dois le mériter") ou ne veut pas que le harceleur se venge s'il est puni. Je vous invite à avoir un « à priori » de confiance dans ce qu'il dit.

Ensuite on peut faire venir plusieurs élèves de la classe (à tour de rôle et en demandant de ne pas expliquer la raison de cette convocation) pour savoir ce qu'il en est. Des phrases comme « ce que tu vis est très difficile ; ce que te me dis est important ; je croyais que tu t'entendais bien avec... mais je me suis manifestement trompé ; je suis désolé de ne pas m'être rendu compte... ; nous allons trouver une solutions ; as-tu des personnes vers qui te tourner ? et toi, que veux tu que je fasse ? as-tu réfléchi à ce que tu pourrais ou aimerais faire ? de quoi as-tu besoin ? », sont très aidantes.

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Les parents doivent être informés, et souvent il vaut mieux privilégier le contact oral, par téléphone. Les mots transmis par l'enseignant risquent en effet de ne jamais arriver à leur destinataire (même sur le carnet de correspondance). Souvent les parents tombent des nues... Mais c'est ensemble que l'on peut réagir.

Et surtout, tous les professionnels de l'éducation témoins de harcèlement des élèves devraient en parler à des collègues, le C.P.E, l'infirmière, la direction... pour agir ensemble.

Faut-il punir les harceleurs ?

garçons en train de harcelé un plus jeune à l'école

Faut-il punir les enfants harceleurs ?

Les enfants harceleurs en quête de popularité

Le harceleur, ça peut être tout le monde... Ils cherchent avant tout la popularité et ne ressemblent pas forcément à « de grosses brutes ». La majorité des études montrent que ce sont des enfants qui souffrent d'une faible estime d'eux-mêmes et parfois de problèmes psychologiques qui se révéleront à l'âge adulte (pervers narcissisme par exemple).

Si on parle d'actes de harcèlement aux élèves, alors l'image du harceleur change et peut inciter le harceleur à arrêter. Quand on démasque les harceleurs, leur réponse quasi systématique tourne autour de : « c'était pour rire ! décidément X n'a aucun humour... ce sont vraiment des broutilles ». C'est vrai qu'ils n'ont pas toujours conscience du mal qu'ils font, mais ils sont rarement aussi innocents qu'ils le disent. Les harceleurs peuvent être seuls ou plusieurs.

Avec eux, il faut faire attention aux punitions et humiliations : ils risquent fort de se venger sur l'enfant harcelé. Il convient de les écouter (individuellement), car une personne écoutée diminue fortement son agressivité, de tenter de développer leur empathie : « et que crois tu que ressens X ? ».

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Sanctionner les acte de harcèlement

Et il faut absolument mettre des limites fermes : « ce que tu fais est formellement interdit ! tu risques entre 6 et 18 mois de prison et entre 7 500 et 75 000 € d'amende. Il est hors de question que cela se reproduise, nous y veillerons ».

Ensuite, on peut leur demander leurs idées pour réparer le mal qu'ils ont fait. Les sanctions qui fonctionnent le mieux, quand c'est possible, sont les mesures de responsabilité en dehors du temps scolaire (travailler pour une association par exemple).

Si le harcèlement se renouvelle, mieux vaut ne pas attendre pour convoquer un conseil de discipline qui pourra prononcer l'exclusion. En effet, cela ne règle pas le comportement du harceleur qui aura envie de recommencer.

Lutter contre le harcèlement : travailler avec les témoins

Le harcèlement scolaire, une responsabilité collective

Tous les élèves savent qui se fait harceler. Mais peu parlent. Leurs réactions sont normales à cet âge. En effet, ils pensent : « je ne sais pas quoi faire. Je ne suis pas une balance - ça ne me concerne pas - de toutes façons, je ne l'aime pas - mieux vaut lui... que moi ». Pourtant, leur indifférence ou leurs rires sont les outils sur lesquels les harceleurs s'appuient.

Il est assez facile de leur rappeler la gravité du harcèlement, en leur rappelant aussi la loi de « non-assistance à personne en danger ». En réaffirmant qu'il est très difficile d'agir seul, mais qu'à plusieurs on peut facilement arrêter de rire aux « blagues » du harceleur, hausser les épaules et s'en aller. Que lorsque l'on est plusieurs, on peut informer un adulte de confiance (ex : CPE ou infirmière). Qu'à plusieurs, on est plus fort qu'une seule personne qui harcèle...

On peut également rappeler aux élèves que « être une balance » est un terme de la mafia. Que la délation s'appliquait aux personnes qui dénonçaient les juifs pendant la guerre, et que « dire n'est pas trahir », lorsque l'on s'élève contre un acte contraire à la loi.

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Harcèlement scolaire : des livres sur le sujet

En conclusion, opposer le droit à la parole contre la loi du silence et rendre les actes de harcèlement scolaire visibles au regard du personnel éducatif, travailler main dans la main avec les parents, sont les meilleures chances de faire cesser ce fléau.

 

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A lire pour les enfants :

Je me défends du harcèlement, de Emmanuelle Piquet et Lisa Mandel, Albin Michel Jeunesse, 10 €. Commander
Un album qui présente 15 situations d'enfants victimes de harcèlement qui trouvent des idées, des solutions, pour réagir et s'en sortir. Un livre dynamique, positif et efficace !

A lire pour les ados :

Condamné à me tuer, de Jonathan Destin, J'ai Lu, 5,60 €. Commander
Ce livre raconte la descente aux enfers de Jonathan pendant 6 ans, depuis la primaire... avant de s'immoler par le feu pour en finir.

A lire pour les parents :

Harcèlement à l'école, lui apprendre à s'en défendre, de Marie Quartier, Eyrolles, 14,90 €. Commander
Ce livre donne de nombreuses solutions pour accompagner son enfant. Des pistes toutes très respectueuses de l'enfant, qui est toujours celui qui doit choisir la solution qui lui convient.

A lire pour les enseignants et/ou professionnels de l'éducation :

Harcèlement en milieu scolaire : victimes, auteurs : que faire ?, de Hélène Romano, Dunod, 15,90 €. Commander
Une très bonne analyse du problème, approfondie, avec plusieurs pistes de réflexion et des solutions intéressantes.

Lire aussi :
- Harcèlement scolaire : les bons livres pour en parler
- Mon fils, victime de happy slapping, de Angèle Martin

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