
Dans Elle entend pas la moto, un magnifique documentaire, la cinéaste Dominique Fischbach suit sur plusieurs décennies Manon Altazin, une jeune femme sourde profonde, qui a déplacé des montagnes pour se frayer un chemin dans le monde des entendants, et a eu la douleur de perdre son frère, que son handicap a marginalisé. Au cinéma le 10 décembre
Elle entend pas la moto : le synopsis
Manon Altazin, kinésithérapeute et jeune maman d’un petit garçon de deux ans, est sourde de naissance. Avec Anthony, son mari, et Mathéo, son fils, tous deux entendants, elle rejoint ses parents qui ont acheté et rénové un chalet en montagne. Les cinq se réunissent pour rendre hommage à Maxime, le frère de Manon, décédé il y a huit ans, qui était porteur du même handicap qu’elle. Par pudeur ou parce que la souffrance est encore trop vive, l’ainée de Manon et Maxime, Barbara, a choisi de ne pas être présente à leurs côtés et face à la caméra.
Au fil des moments passés ensemble, des conversations qui se tissent et des images d’archives qu’ils visionnent, certaines confidences et réflexions émergent. Comme si l’on remontait le temps, on comprend la complexité de l’itinéraire qu’ont eu à parcourir Manon et Maxime depuis leur enfance, pour supporter les innombrables rendez-vous médicaux, les interventions chirurgicales et les séances d’orthophonie. Ou pour suivre une scolarité classique, puis faire des études dans un système éducatif au sein duquel rien n’est prévu pour les aider
Deux routes qui ne ressemblent pas puisque Manon, aidée par sa force de caractère et un environnement peut-être plus favorable que celui auquel a été confronté Maxime, est parvenue à s’adapter; voire à se sur-adapter à la vie en société, tandis que son frère s’est retrouvé de plus en plus exclu et a été avalé par la dépression…
A partir de quel âge ?
9 ans, sachant que la thématique au centre de Elle entend pas la moto est celle du deuil, autant que celle du handicap.
L’avis de MAFAMILLEZEN
Il y a tant de belles choses à dire sur Elle entend pas la moto qu’on ne sait presque pas par quoi commencer. Car ce film est d’abord sublimé par la personnalité de Manon Altazin, jeune femme qui conjugue un appétit de vie et de dépassement à une incroyable sensibilité et compréhension des choses. Sportive acharnée, Manon, qui pratique la voltige aérienne, le marathon, la randonnée, le vélo et le canitrail, sait conquérir des Everest, mais elle montre aussi à l’écran sa vulnérabilité, ses doutes et son chagrin, notamment celui de n’avoir pas su percevoir combien Maxime se sentait isolé et à quel point les efforts que l’on exigeait de lui pour s’intégrer lui coûtaient. La réalisatrice n’a pas cédé à la tentation d’héroïser Manon et c’est un parti-pris de subtilité que l’on apprécie.
Dans ce film traversé par la perte et l’absence, Manon sait paradoxalement aussi nous faire rire. Notamment lorsqu’elle raconte que dans son métier de kiné, elle n’entend pas certains patients lorsqu’elle ne peut pas lire sur leurs lèvres, et qu’elle est plutôt heureuse de ne pas subir leurs monologues !
Ce qui est très intéressant aussi dans Elle entend pas la moto, c’est ce qu’il exprime à propos des équilibres et déséquilibres familiaux. On voit par exemple que la seule entendante de la fratrie, Barbara, grande sœur aimante qui a toujours veillé à entourer ses cadets, a pâti de devoir constamment faire passer leurs besoins avant les siens et ne jamais être au centre de l’attention.
A travers les échanges qu’ont le père et la mère de Manon, on devine aussi des questionnements douloureux sur ce qu’ils auraient pu faire autrement : si Sylvie et Laurent ont exigé de Manon et Maxime, dans le but de favoriser leur intégration, qu’ils oralisent au maximum plutôt que généraliser entre eux l’usage de la langue des signes, ils réalisent que cette solution était bonne pour leur fille, mais a contribué à enfermer encore davantage leur fils. Tous les enfants ont des besoins spécifiques et c’est également ce que traduit ce long-métrage. La faiblesse de l’accompagnement proposé par l’Etat aux parents pour faire face au handicap y transparait constamment : faute d’être épaulés, Laurent et Sylvie ont trouvé eux-mêmes leurs propres solutions, quitte à ce que certaines options choisies ne soient donc parfois pas les meilleures.
Ce qui est très joli enfin, c’est le message de réparation par l’amour que véhicule ce film. Assommés par la mort de leur benjamin, Sylvie et Laurent ont longtemps chancelé. Puis ils se sont reconstruits pierre par pierre en allant bâtir leur maison à la montagne, grâce à leur cercle amical et aussi et surtout grâce à l’arrivée de Mathéo, leur petit-fils, le fils de Manon et de d’Anthony, qui cultive d’ailleurs une ressemblance troublante avec son oncle disparu ( il croit même se reconnaitre sur ses photos !).
Empreint d’autant de peine que de joie, Elle entend pas la moto est une merveille à voir absolument.
Elle entend pas la moto
Réalisé par : Dominique Fischbach
Genre : documentaire
Durée : 1h34
Sortie au cinéma : le 10 décembre 2025
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