Véritable fléau, le harcèlement peut toucher tous les enfants, même petits, au cours de leur scolarité. Pour compléter la liste des nombreux documents de sensibilisation que nous mettons régulièrement à jour, Mafamillezen vous propose une sélection de romans et album adaptés aux élèves de primaire – dès 5 ans – qui s’attaquent au sujet du harcèlement. Ici pas de conseils ou de mode d’emploi précis mais des histoires bien différentes, souvent subtiles, qui permettent aux jeunes lecteurs de s’identifier aux différents personnages, de trouver des clés de réponse à leurs angoisses ou questions, voire des solutions et une bonne dose d’espoir. Mais aussi de susciter le dialogue, à l’école comme à la maison.
Alix et le pouvoir des mots
Dans son (très bon !) premier roman, Trancher (Flammarion, 2018), Amélie Cordonnier s’attaquait au sujet de la violence verbale dans un couple et racontait un amour ravagé par les mots. Sept ans après, le redoutable pouvoir de ces derniers est encore au cœur d’un de ses ouvrages mais cette fois dédié aux enfants.
Dans son premier album jeunesse, on découvre Alix, qui, depuis l’arrivée d’un nouveau à l’école, a le cœur et le cartable bien lourd. Chaque jour elle y range les affreux mots qu’il assène, à elle ou à d’autres et qui tantôt l’assomment, tantôt l’éclaboussent. A la maison, ces mots l’étouffent, restent en travers de sa gorge, l’empêchant d’en parler à ses parents. Jusqu’à ce qu’elle finisse par s’en libérer et découvre qu’elle aussi peut blesser.
On aime beaucoup cet ouvrage, illustré par la talentueuse Tiffany Cooper, qui sensibilise aux blessures invisibles causés par nos paroles, sans même parfois qu’on s’en rende compte, et à l’importance de les choisir avec soin.
Alix et le pouvoir des mots, par Amélie Cordonnier et Tiffany Cooper à l’illustration, La Martinière jeunesse, 2024, 32 p.,14€90. A partir de 5 ans. Acheter sur Amazon.
Juliette ne veut plus aller à l’école
Au premier abord, Juliette la petite chouette a tout pour être heureuse. Ses parents sont aimants et compréhensifs, elle adore son instituteur comme l’école où elle excelle, et elle a de supers amis. Mais ces derniers temps, quelque chose cloche. Chaque nuit – car oui, elle va comme beaucoup d’animaux en classe lorsque le jour se couche ! – Léon le hérisson, Éric la grenouille et Pierre le renard l’embêtent et se moquent d’elle, ridiculisant ainsi bien son physique que son goût pour les livres. Malgré les réprimandes du professeur et l’écoute de ses parents, rien n’y fait et Juliette peine de plus en plus à trouver le sommeil.
Alors un matin, elle prend une grande décision. Elle part. Non pas pour échapper à ses problèmes, mais pour découvrir le monde et l’incroyable somme de ses altérités. Au fil de ce périple, où chacun des animaux qu’elle rencontre est porteur de singularités qui pourraient faire d’eux une potentielle cible de moqueries, elle découvre que ce qui nous distingue peut aussi nous unir, et la place unique que chacun a dans le monde.
Narration simple et rythmée, justesse du propos sans jamais verser dans la leçon de morale ou la niaiserie, illustrations tendres et chaleureuses… : cet album dodu, aux allures de conte initiatique est une très belle réussite.
Juliette ne veut plus aller à l’école, par Carole Minker, illustré par Anna Simeone, Larousse Jeunesse, juin 2025, 14€99. A partir de 5 ans. Acheter sur Amazon.
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Rendez-vous de l’autre côté du jour
Voilà une lecture talisman, à se repasser en boucle, comme ces musiques qu’on met à fond le matin, pour se donner l’assurance et l’énergie nécessaires à affronter le monde. Le texte pourrait d’ailleurs être celui d’une chanson, ou bien un poème, tellement juste qu’il suscite, si on ne prend garde, quelques picotements des yeux. Jugez plutôt : « Tu ne sais pas à quoi t’attendre mais tu sais que le jour t’attend et qu’il a faim / Il y a toujours des brutes et des petits malins, il y a toujours des heures qui durent deux fois plus et d’autres qui s’étirent comme un chat le matin / Les cris sont des ballons qui se dégonfleront, et les silences des jardins où faire pousser tous les machins et les bidules de nos rêves ».
Courant sur une journée, empli de fantaisie et d’ardeur, cet album inclassable où les illustrations lumineuses tiennent le premier rôle, raconte – et nourrit- le courage qu’il faut pour surmonter la journée à venir. Tout en aidant, façon mode d’emploi poétique, à la supporter grâce à la transmission d’un élan et d’une pulsion de vie salvateurs.
Si l’ouvrage aborde subtilement le harcèlement scolaire, il parlera à toutes et tous, adultes comme enfants. Une lecture coup de coeur à partager donc, sans modération.
Rendez-vous de l’autre côté du jour, par Thomas Vinau et Charlotte Lemaire à l’illustration, Thierry Magnier, septembre 2025, 40 p., 19€90. A partir de 5 ans. Acheter sur Amazon.
Zouki et moi
A la maison, la petite narratrice se sent bien, à l’abri dans son cocon. Mais à l’école primaire, c’est une autre histoire. Son ventre se serre et elle a l’impression d’être « faite de travers ». Une bande de filles la harcèle, sans répit. A chaque fois, pour se réconforter, elle serre fort dans sa poche son seul ami, un petit doudou chat nommé Zouki. Un jour de désespoir, après une nouvelle brimade, ce dernier l’emmène dans une forêt imaginaire où elle va trouver les clés pour reprendre confiance en elle, et découvrir qu’elle n’est pas aussi seule qu’elle le croit.
Si la chute de cet album immersif semble un peu édulcorée face à la brutalité du réel, on en ressort totalement chamboulé tant cruauté et douceur y cohabitent. A la fois simple et subtil, il permet au lecteur de se glisser dans la peau de l’héroïne, voyant ce qu’elle voit, façon caméra cachée. En résultent des pages saisissantes, hautement empathiques, et évidemment propices à l’identification.
On retrouve dans ce bel ouvrage, véritable ode à l’imagination, le talent montant de la jeune autrice-illustratrice Anjuna Boutan, dont on avait déjà croisé le coup de crayon poétique et l’univers chatoyant dans le super inventaire Les choses de ma vie (Nathan) ou, en binôme avec Astrid Desbordes, dans Miranda Chocolat (Ecole des Loisirs).
Zouki et moi, par Anjuna Boutan, Casterman, avril 2025, 64 p., 14€95. A partir de 6 ans. Acheter sur Amazon.
Histoires pour vivre ensemble
Un matin, Éric découvre dans les WC un tag se moquant de son poids. Ce sont ensuite des mots d’insulte glissés sous ses affaires, des projectiles lancés sur lui dans la rue, et la solitude alors que tout le monde l’évite dans la cour. Honteux et persuadé que ses harceleurs ont raison, Éric n’en parle à personne, arrête de manger et finit par refuser d’aller à l’école.
Cette histoire, accessible et réaliste – qui se finit bien, évidemment – fait partie du superbe recueil Histoires pour vivre ensemble. Ce dernier se penche sur la classe de primaire de Madame Angèle et ses 20 jeunes élèves, aux origines, caractères, et problématiques divers. Chacun est au cœur d’une petite fiction abordant des thématiques essentielles – racisme, handicap, égalité filles-garçons, défense de l’environnement… – avec finesse, pédagogie et beaucoup de douceur.
A la manœuvre, on ne sera pas étonnés de retrouver un ancien professeur des écoles, Pierre Gemme, déjà auteur de très nombreux ouvrages pour la jeunesse telles les séries « Mission vétos » ou « L’école des dinos » . Un ouvrage essentiel à partager avec ses enfants pour encourager l’empathie, la tolérance et la solidarité.
Histoires pour vivre ensemble, par Pierre Gemme, illustré par Jules, Flammarion jeunesse, mars 2025, 160 p., 12€90. A partir de 8 ans. Acheter sur Amazon.
Chantage à la récré
Louise, timide élève de CE2, est terrifiée, comme tous les autres enfants, par la grande capucine de CM2 – dite « Cruella » – qui règne sur la cour de récréation. Le jour où Cruella la convoque pour lui imposer un de ses caprices, devant sa grande sœur impuissante, Louise obtempère, puis décide de ne plus se laisser intimider !
Racontée simplement, cette charmante histoire, qui n’a pourtant rien d’un conte de fée, donnera à réfléchir à tous les enfants qui pourront s’identifier à chacun des personnages, tant l’autrice a réussi à la narrer du strict point de vue d’un enfant. L’intérêt particulier de ce livre repose sur le fait que l’héroïne n’est pas la victime principale du harcèlement – il s’agit de sa sœur en l’occurrence – mais plutôt un témoin qui finit par briser la loi du plus fort et par tenir tête à la terreur de l’école.
Ce chouette roman accessible offre un message de soutien et de courage, invitant les lecteurs à réfléchir au pouvoir de l’entraide mais aussi de la confiance en soi !
Chantage à la récré par Elsa Devernois avec les illustrations de Camille Carreau, Talents Hauts, août 2024, 64 p., 8€90. A partir de 8 ans. Acheter sur Amazon.
Gautier grand nez
« Gautier grand nez, tu fais pitié, avec ce pif énorme, t’es tout difforme…». Cette « chanson » cruelle, Gautier l’entend presque tous les jours au collège. Depuis un an, sa vie a basculé : ses parents sont morts et il vit désormais chez son grand-père, qui doit se serrer la ceinture pour l’élever. Pour ne rien arranger, Gabriel, la brute du collège, le harcèle violemment et le rackette, aidé par son ancien super copain, Romain. Isolé, le jeune garçon sombre, jusqu’au jour où il recueille un chat pas comme les autres, digne descendant du Chat botté.
Dans ce conte moderne, la féérie adoucit sans les masquer les violences dont est victime le héros. Le lecteur suit la montée en puissance du harcèlement et l’aspect inextricable de la situation, mais entrevoit aussi les portes de sortie et l’espoir insufflés par le félin. Et par d’autres personnages (une élève, une professeure…) qui permettent ensemble une résolution de la situation.
Ce texte, parsemé de références à Cyrano de Bergerac, est un parfait outil pour ouvrir la discussion à l’école comme à la maison.
Gautier grand nez par Eva Kopp, Piktos Jeunesse, septembre 2025, 96 p., 12€. A partir de 9 ans. Acheter sur Amazon.
Coquille d’œuf
Fort et délicat, ce premier roman de Florence Rivières est une petite merveille. Tant et si bien qu’on pourrait aisément le classer dans la catégorie des livres jeunesse dont la lecture peut changer une vie. Oui, rien que ça ! En 156 pages – imprimées en larges caractères aérés pour faciliter l’approche – l’autrice tisse l’histoire de Léon, né Léonie, enfermé dans la coquille d’une identité qui ne lui correspond pas. Incompris par sa famille – pourtant aimante -, harcelé à l’école, il trouve régulièrement refuge dans un vieux blockhaus où il rencontre une bande d’adolescents aux fêlures diverses avec qui il va enfin pouvoir exister sans masque.
Ici, pas de sous-titres, de personnages type, de revendications, de héros flamboyant ou de chute façon happy end total. Mais une écriture presque blanche, d’une subtilité remarquable, qui transmet aux jeunes lecteurs les silences, tâtonnements, maladresses, blessures, angoisses et joies de Léon. L’ensemble est réhaussé par de splendides illustrations d’Hélène Le Cam, dont les contours incertains épousent ceux de son personnage principal en plein cheminement.
Au bout de ce texte, qui soulève émotions et questions plutôt que de prétendre y répondre, une bonne dose de lumière, d’espoir, mais aussi une ode à ces professeurs qu’on n’oubliera jamais et à la force des amitiés. Bluffant !
Coquille d’œuf par Florence Rivières, avec les illustrations d’Hélène Le Cam, Seuil jeunesse, mai 2025, 160 p., 10€90. A partir de 9 ans. Acheter sur la FNAC ou Amazon.
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