Cancer du sein : Fleur Hana partage son expérience dans son ouvrage « Fucking cancer »

Blog Cancer du sein : Fleur Hana partage son expérience dans son ouvrage « Fucking cancer »

Par Sandrine Damie le

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Autrice de romances, Fleur Hana a laissé de côté la fiction le temps d’écrire Fucking cancer, un guide percutant et essentiel sur le cancer du sein. Fleur y partage son combat contre le cancer du sein, pour vous aider à affronter le vôtre. Elle y dévoile aussi ce que les médecins ne disent pas toujours, et y vulgarise les protocoles médicaux. Elle a accepté de répondre à nos questions sur son approche de la maladie, et comme dans son Fucking cancer, elle va droit au but, avec dérision et bienveillance.

Vous offrez un témoignage décalé sur la bataille que vous avez menée et gagnée face au cancer du sein. Pourquoi avez-vous accepté de vous dévoiler autant sur cette période si fragile/chaotique/noire de votre histoire personnelle ?

Quand ça m’est tombé dessus, j’étais perdue : dans les critères qu’on connaît, on n’a pas de cancer du sein à 32 ans. Je me suis tournée vers Internet, bien sûr, et je ne me suis reconnue dans aucun témoignage ou presque. Les forums ne sont pas mon truc, et comme j’étais déjà autrice, écrire cette expérience m’a semblé logique. Surtout à une époque du paraître, du « positive vibes only » et toutes ces injonctions à ne montrer que le positif et dire qu’on va bien quoi qu’il en coûte. J’ai eu besoin de montrer le vrai visage de cette maladie, en tout cas d’après mon vécu, sans en atténuer ses conséquences.

J’espérais, et j’espère toujours, qu’aborder ces sujets tabous que sont les effets secondaires parlerait à d’autres jeunes femmes. À 60 ans, par exemple, la ménopause est un sujet normalisé. Pas plus facile à vivre pour autant, bien entendu, mais ce n’est pas une surprise. À 30 ans, ça te tombe sur le coin de la tronche comme un coup de pied latéral de Van Damme… Et puis je savais que ma situation était loin d’être désespérante, même si j’ai traversé des moments de désespoir, évidemment.

Si je racontais mon quotidien politiquement incorrect de cancéreuse, en levant le mystère sur plein de sujets aux antipodes du glamour, sur un malentendu, ça donnerait de l’espoir, de la force ou même simplement le sourire à d’autres femmes.

Fleur Hana Fucking cancer interview

Avec les traitements lourds du cancer du sein, comment avez-vous traversé la période en tant que mère ?

Difficilement. À chaque instant, clouée au lit, sans même avoir la force de tourner la tête, je pensais à ces mères seules face à la maladie. Quand on est en cure de chimio, dans le centre où j’étais suivie, on est installées dans des box ouverts. On bénéficie d’intimité, tout en entendant tout ce qui se passe autour. Un jour, une patiente racontait son expérience à l’une des bénévoles qui nous rendent visite pour nous changer les idées (et un grand merci à elles, au passage). Son mari l’avait quittée dès l’annonce du diagnostic. Elle est loin d’être un cas isolé. Combien de femmes atteintes d’un cancer (quel qu’il soit) se retrouvent à devoir gérer seules les enfants, le quotidien, et à devoir le faire en serrant les dents ? C’est symptomatique de bien plus que le cancer. Demande-t-on à un homme atteint d’un cancer comment il a vécu la maladie en tant que père ? Non, car on part du principe que le rôle de la femme est de prendre soin des siens. Heureusement que je suis mariée à un féministe, parce que je ne sais pas comment j’aurais fait. Mon fils aurait probablement dû aller vivre chez ses grands-parents, être éloigné de moi, et je suis convaincue qu’il ne faut pas être séparée de ses proches. Mais dans beaucoup de situations, ce n’est pas un choix, c’est la seule possibilité. Certains jours, je ne pouvais même pas lui souhaiter une bonne journée à l’école, car je n’avais pas la force de parler.

On se sent inutile, démissionnaire, et on a beau savoir qu’on n’y est pour rien, la raison n’a pas une grande place, dans ces moments. Je ne sais pas comment j’aurais gardé la patate et le sourire si Élanor ne s’était pas moqué quotidiennement de ma boule à zéro et de mes cernes de Fétide Adams ! La résilience des enfants est incroyable ; il faut en profiter pour y puiser de l’énergie : ça fait un peu sangsue dit comme ça, mais c’est ce que j’ai ressenti.

Mais oui, j’aimerais que quelqu’un demande à mon mari : « Avec les traitements lourds de votre épouse, comment avez-vous traversé la période en tant que père ?«  Car il a plus à dire que moi. J’étais dans les choux les 9/10° du temps, alors qu’il devait gérer le quotidien (là, rien d’extraordinaire, beaucoup de parents solo le font, c’est rude mais jouable) tout en s’occupant de moi. Je ne dis pas qu’il est un héros, il prendrait la grosse tête en lisant ma réponse, mais de manière générale, le rôle des accompagnants est bien plus intéressant à discuter.

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Vous avez des tournures percutantes et si justes comme « c’est pas parce que tu as la boule à zéro que t’es Boudhha ». Quels conseils pourriez-vous donner aux femmes qui redoutent la chimio, ses effets secondaires ?

Elles ont raison de la redouter. Pour certaines, ça va passer crème, comme disent les jeunes (ils le disent toujours ?), et elles vont sentir une légère fatigue. Pour d’autres, comme ça a été mon cas, elles vont récolter tous les effets secondaires possibles et imaginables, y compris certains que les médecins ne soupçonnent pas.

Je pourrais mentir et dire que ça va bien se passer, on est des warriors, hein ! Mais non : même Xena a ses moments de faiblesse, et c’est normal. Du coup, je conseille de se ménager. Ne surtout pas faire comme moi qui, au début, profitais de chaque instant où je me sentais à peu près bien pour m’activer. Garde tes forces, tu vas en avoir besoin. Et accepte de traverser une période très difficile, c’est ce qui peut te sauver la vie.

Si tu as vécu un accouchement, tu sais de quoi je parle : on surmonte. On n’oublie pas, mais on sait qu’on en est capable, et ça aide à remettre ça, sinon les gens n’auraient qu’un enfant et basta. Cela dit, ce n’est pas parce que tu surmontes qu’il faut serrer les fesses et la boucler : si ça ne va pas, dis-le. Si tu vis mal de devenir chauve : parle de ce traumatisme. Si les médecins te disent « c’est normal », réponds que leur job est de dézinguer le cancer, OK, mais aussi de prendre soin de toi. Il ne faut pas minimiser les effets secondaires, qu’on ne devrait d’ailleurs pas nommer ainsi, car direct ça leur donne un rôle de figurants. Alors que toi, pendant que les produits font leur job dans ton corps, c’est précisément ces effets que tu dois affronter.

Donc oui, il faut redouter la chimio, et demander au cancéro, dès le début, qu’il expose clairement tous les effets secondaires. Pas pour se prendre un gros coup de stress en flippant de tous les avoir (c’était mon cas, j’ai survécu), mais pour se préparer.

Par exemple, on ne m’a donné de quoi prévenir les soucis digestifs qu’à la 3e cure. Pardon, mais ça coûtait quoi de me les prescrire dès le début, au cas où, alors que c’est un effet fréquent ? Au lieu de devoir me rendre aux urgences, j’aurais envoyé quelqu’un à la pharmacie et j’aurais géré de chez moi.

Je crois que j’ai fait mille digressions, mais que j’ai fini par répondre à la question, non ?

Fleur Hana livres

Dans votre témoignage, vous dites qu’on ne vit plus jamais ensuite sans penser au cancer. Une décennie plus tard, est-ce toujours le cas ?

Là encore, j’aimerais répondre que non, je n’y pense plus du tout. La vérité est que, quoi qu’on fasse, le cancer reste dans un coin de la tête. J’ai pourtant travaillé sur mon mental, et fait d’énormes progrès grâce à mon amie thérapeute Aurélia Desvaux qui, 7 ans après le cancer, m’a aidée à comprendre pourquoi cet effet boomerang était si violent. Le deuxième coup de pied de Jean-Claude, façon effet Kiss Cool. Ça n’a pas été facile, mais on a réussi à me faire avancer. Est-ce que je ne pense plus à Albert (NDLR : surnom donné à son cancer) ? Bien sûr que j’y pense. Mais j’y pense autrement. Au lieu de me dire « le cancer fera toujours partie de ma vie, la peur de la récidive aussi« , je dis « même si j’ai eu un cancer, je peux être en bonne santé. » Aurélia a concocté cette phrase pour moi, je lui en serai toujours reconnaissante, car je n’étais pas encore capable de voir les choses sous cet angle.

J’ai aussi appris à envisager les contrôles annuels comme des filets de sécurité, alors que je les envisageais plutôt comme autant de possibilités de trouver une nouvelle tumeur. Genre, passer un examen fait apparaître des cancers…

Ce n’est pas le fait d’y penser qui est problématique, mais la manière dont tu abordes les choses. Et pour modifier ma perception, j’ai eu besoin d’accompagnement. Seule, j’étais dans un cercle vicieux qui me poussait à imaginer le pire et à traquer la moindre sensation dans mon corps. Un ongle cassé annonçait une tumeur ongulaire, avant de travailler sur moi… C’est dingue ce que l’esprit angoissé peut produire comme idées absurdes.

Y penser, oui, mais y penser comme il faut, pour que ça ne soit pas toxique : à mon humble avis, c’est la clef.

Comment allez-vous aujourd’hui ? Dumb et Dumber, vos seins, se tiennent à carreau désormais ?

Au moment où je réponds à vos questions, j’entre justement dans ma phase de contrôles annuels. À 2 jours de l’IRM, il y a quelques années, j’aurais même été incapable d’ouvrir mes emails. Je me serais roulée en boule dans un coin, à me balancer d’avant en arrière tout en récitant des mots latins dont le sens m’échappe totalement.

Aujourd’hui, je suis beaucoup plus zen, et j’accueille les examens comme un point de sauvegarde dans un jeu vidéo. Alors oui, je vais bien, bien mieux, et j’en suis à un stade de cette expérience où je suis capable d’en tirer le positif. Il ne faut pas essayer de le faire à tout prix, chacune doit y aller à son rythme. Mais si tu as la chance que le cancer soit laminé et d’être en rémission, guérison, tôt ou tard, tu fais le bilan de ce que le cancer a apporté dans ta vie. Dumb & Dumber sont asymétriques, par exemple, bien plus qu’au naturel, et oui, je me serais passée de ce problème de parallélisme. Mais ils sont là, c’est pas mal, déjà, non ? Et s’ils n’étaient plus là ? Moi je le serais.

Aujourd’hui, j’envisage d’ailleurs d’écrire l’après-cancer du sein, car j’apprends régulièrement à gérer cet après dont on parle trop peu pour certains sujets.

Fucking cancer, de Fleur Hana, illustré par Alis, aux éditions Eyrolles, 14,90 euros – Commander sur la Fnac ou Amazon

Plus de sources d’informations sur le cancer et le cancer du sein :
www.e-cancer.fr/
www.frm.org/recherches-cancers/cancer-du-sein/focus-cancer-sein
https://octobre-rose.ligue-cancer.net/
www.cancerdusein.org/

 

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