Dans le sillage de la Suédoise Greta Thunberg, cheffe de file mondiale des mouvements pour le climat, des milliers d’adolescents en France donnent de la voix et de leur personne dans l’Hexagone afin de faire bouger les lignes en matière environnementale. Décryptage.
Ils ont les pieds (sur la) Terre et l’intention de se battre pour elle. Avant leur avenir professionnel ou personnel, les jeunes placent au premier rang de leurs préoccupations l’écologie. Début 2020, un rapport du CREDOC a ainsi montré que cette inquiétude était prédominante chez eux, devant toute autre considération. On sait aussi, grâce à une étude Boston Consulting Group/ Collectif citoyen 2044 de février 2021, que 85 % des membres de la génération dite Z se déclarent prêts à faire évoluer des aspects précis de leur quotidien, dans le but d’inverser la courbe de la destruction de la biosphère…
Mais d’où vient cette conscience aigüe et précoce de ces problématiques, à un âge où leurs parents avant eux faisaient preuve de beaucoup plus d’insouciance ? « Je crois qu’on peut parler d’éco-anxiété », nous éclaire Johan Reboul, étudiant à Sciences Po Toulouse et auteur du Guide du jeune engagé pour la planète (Editions Fleurus). « Ils ne savent pas ce qui les attend, ont le sentiment que les lois climats ne sont pas assez ambitieuses et que nous sommes au pied du mur. Or, ce n’est pas parce qu’on est jeune qu’on n’a pas son mot à dire sur le sujet », explique-t-il.
« Nous n’avons plus le temps de tergiverser » confirme Lila-Brune Rémy, 17 ans, militante de Youth For Climate à Metz. « Je pense être particulièrement concernée par ces enjeux parce que je fais partie d’une génération qui, peu importe sa situation géographique ou financière, sera touchée de plein fouet par les excès de ceux qui nous ont précédés. Et en se renseignant, on se rend rapidement compte que plusieurs causes sont liées : les femmes et les personnes précaires sont les premières victimes du réchauffement climatique par exemple. Tout progrès pour l’Homme doit se faire dans un environnement qui nous laisse des conditions de vie acceptables », ajoute l’élève de terminale.
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Des leviers d’action concrets
Des convictions qui ne se limitent justement pas à la parole qu’ils prennent, sur les réseaux sociaux ou sur le bitume des villes lors des fameuses marches pour le climat, mais qui se traduisent concrètement. Parce que les jeunes mesurent les divers impacts de la consommation de viande (surexploitation des ressources en eau, conversion de zones forestières en surfaces cultivables etc…) et sont très sensibles à la notion de souffrance animale, ils sont de plus en plus nombreux à renoncer à en consommer. Selon une enquête Diploméo, 8 % des 16-25 ans sont aujourd’hui végétariens ou végétaliens. Avertis des ravages industriels et humains de la fast-fashion, ils n’hésitent pas non plus à s’habiller avec des vêtements de seconde main en misant sur des sites spécialisés, des friperies ou se tournant vers les greniers de leurs grands-parents.
« J’ai aussi changé ma façon de voyager en allant moins loin et en favorisant l’utilisation du train, même pour les longs trajets. Ce ne sont que des petits gestes qui ne changent pas le monde mais permettent de faire tout ce qui est en notre possible », précise Lila-Brune. Et il est difficile pour eux d’imaginer exercer plus tard un job ou intégrer une société qui ne serait pas en adéquation avec ce type de valeurs. « Le problème, c’est que l’offre de métiers qui leur est proposée dans les domaines de l’environnement et du développement durable est encore restreinte. Et que cette transformation n’est pas véritablement en marche dans les grandes entreprises. Le greenwashing de Total ne trompe par exemple personne », commente Johan Reboul.
Les paradoxes d’un juste combat
Mais l’engagement de la jeunesse se heurte parfois à certaines antinomies. Comment ces digital natives gèrent-ils le fait que les outils numériques, dont ils sont des adeptes immodérés, soient à l’origine d’une pollution majeure (2 % des émissions de gaz à effets de serre en France ; un chiffre qui devrait grimper à 7 % d’ici 2040) ? « C’est un sujet important, sur lequel il est compliqué de se prononcer. Ça témoigne de la société capitaliste et libéraliste dans lequel nous avons grandi et du fait qu’on n’a forcément toujours les moyens de faire ce que l’on veut dans le domaine de l’écologie. On essaie de mettre beaucoup de choses en place mais n’est pas personne n’est parfait », observe Johan Reboul.
A leurs yeux, mieux vaut donc s’impliquer pour la planète en assumant cette dualité plutôt que de rester les bras croisés, d’autant qu’il est possible, individuellement, de moduler son recours au virtuel pour alléger son empreinte carbone. « Je pars du principe qu’un geste écologique nuancé par de mauvaises habitudes est toujours mieux que pas de geste du tout. Néanmoins, je pense que sur des questions émergentes tel que le numérique, les contradictions de ma génération doivent vraiment diminuer. On ne va pas arrêter d’utiliser les réseaux sociaux parce que c’est énergivore alors que c’est un moyen incroyable pour militer. Nous n’arriverons pas à nous couper du numérique mais je pense nous ne pouvons pas continuer à acheter le nouvel IPhone tous les ans et garder une boîte mail pleine à craquer », conclut Lila-Brune Remy.
En pratique :
Le livre du jeune engagé pour la planète, de Johan Reboul est paru aux éditions Fleurus le 21 mars 2021 (12 euros). Commander sur la FNAC ou Amazon.
Dès 13 ans.
Lexique :
Greenwashing : Technique de marketing visant à séduire les consommateurs en utilisant l’argument écologique, sans que cela ne se traduise dans les faits.
Fast-fashion : Tendance des grandes enseignes consistant renouveler perpétuellement leurs collections, à vendre à bas prix, en négligeant toute dimension écologique.
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