Centré sur une jeune fille musulmane pratiquante qui découvre et explore son homosexualité, La petite dernière, le troisième long-métrage fait pour le cinéma par l’ultra-talentueuse Hafsia Herzi, sublime le roman éponyme de Fatima Daas dont il est adapté. Au cinéma le 22 octobre.
La petite dernière : l’histoire
Née au sein d’une famille aimante de la banlieue parisienne, sous la houlette d’une maman qui déborde de fierté pour ses trois filles, Fatima est en terminale. Elle y évolue au sein d’une bande de copains exclusivement masculine, où il est de bon ton de parler de sexe de manière très crue. Fatima a un petit ami qu’elle ne voit qu’en catimini pour ne pas froisser leurs parents respectifs. Divers évènements, notamment un conflit avec un élève gay qui la traite de « sale lesbienne » et le mal-être qui ne cesse de grandir en elle, l’amènent à commencer à s’interroger sur son orientation sexuelle. Elle décide alors de s’inscrire sur un site de rencontres.
De rendez-vous en rendez-vous avec des femmes, souvent plus âgées et en accord avec leurs envies, de bars en bars, Fatima va avancer petit à petit vers ce qu’elle est et ce qu’elle souhaite. Jusqu’au coup de foudre : lors d’un atelier autour de l’asthme organisé à l’hôpital, celle qui souffre de cette maladie depuis l’enfance va croiser Ji-Na, avec qui elle va vivre sa première vraie relation. Un grand amour qui, comme beaucoup de premiers grands amours, ne va pas la laisser indemne…
Le passage du lycée à la fac de philo, où les horizons sont plus ouverts, les idées plus diverses, aidera la chrysalide à devenir papillon. Mais Fatima va rester comme prise en étau entre sa sexualité et sa religion et surtout sa volonté de dire sa vérité à ses proches et la peur qu’ils lui tournent le dos….
A partir de quel âge ?
La petite dernière est un film à voir avec des ados, à partir de 14-15 ans.
L’avis de MAFAMILLEZEN
Passer d’un roman qu’on a lu au film qui en est tiré n’est pas une gymnastique mentale facile, car le risque d’être déçu(e) est assez grand. C’est très loin d’être le cas ici. La finesse d’esprit, le sens de l’image et du récit d’Hafsia Herzi, aussi excellente réalisatrice qu’actrice (elle a gagné deux César, le premier pour La graine et le mulet en 2008 et le second cette année pour Borgo), donnent à cette Petite dernière version grand écran beaucoup de chair, d’ampleur et de sensibilité.
Car on peut d’abord reconnaitre à son opus le mérite de parler de sexualité et de sexe sans aucune caricature, ni froideur, comme peuvent le faire certains réalisateurs qui intellectualisent trop le sujet. Les moments de danse, de fête, de séduction ou d’amour, les séquences qui se déroulent au cœur de la Marche des Fiertés, sont filmés à la fois au plus près des corps, mais avec pudeur. Ils restituent néanmoins bien le bouillonnement, l’espèce d’irrésistible élan qui saisit Fatima lorsqu’elle accepte enfin d’embrasser, au propre comme au figuré, son attirance pour les femmes. Et ils offrent un parfait contraste avec les scènes où elle réintègre son monde habituel et son immeuble. Le rapport de Fatima à l’Islam et à ceux qui le prêchent, notamment l’imam avec qui elle dialogue, est enfin dépeint sans cliché, et c’est une autre réussite à mettre au crédit d’Hafsia Herzi.
Mais la puissance et le charme La petite dernière doivent aussi et surtout beaucoup à l’incarnation proposée par Nadia Melliti, débutante devant les caméras et néanmoins époustouflante dans la peau de Fatima. Sa prestation lui a d’ailleurs valu le prix d’Interprétation à Cannes. La néophyte parvient en effet à traduire avec justesse et nuances l’arc-en-ciel des sentiments qui traversent son personnage, entre désir, colère, joies, tristesse, doutes, frustration et incapacité à dire ce qui la torture.
Tout aussi formidables sont les autres comédiens, notamment Amina Ben Mohamed, qui joue Kamar, la mère de Fatima, bouleversante d’intuition et d’affection. L’ultime scène qui les réunit, qui est aussi l’épilogue du film, est certainement la plus émouvante. On voit que même si sa mazoziya (sa « petite dernière » en arabe) n’arrive pas à lui confier ce qu’elle a sur le cœur, à savoir sa préférence pour les filles, elle a déjà tout compris sans qu’il soit nécessaire de poser des mots…
La petite dernière
Réalisé par : Hafsia Herzi
Avec : Nadia Melliti, Ji-Min Park et Amina Ben Mohamed
Genre : Drame
Durée : 1h53
Sortie au cinéma : le 22 octobre 2025
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