Le 27 septembre dernier, la Première Ministre Elisabeth Borne appelait à la « mobilisation générale » et détaillait les mesures du plan interministériel contre le harcèlement scolaire. Zoom sur ce qu’il prévoit et sur ce qu’il inspire à Grégoire Ensel, président de la FCPE.
Le gouvernement dit faire du harcèlement scolaire une « priorité absolue ». Alors que l’année 2023 a été marquée par plusieurs suicides d’adolescents confrontés à ce type de violence physique et/ou psychologique : Lucas, en janvier, et Lindsay, au mois de mai, tous deux âgés de treize ans, ainsi que par celui de Nicolas, quinze ans, début septembre, qui évoluait au sein du lycée professionnel Adrienne-Bolland à Poissy.
Le gouvernement a annoncé prendre le problème du harcèlement scolaire à bras le corps et mis sur un pied un ensemble de dispositifs pour le combattre, y compris en ligne. Ils viennent compléter ceux qu’avait institués le programme phARe, (programme de lutte contre le harcèlement à l’école), qui a été testé dès 2019, appliqué dans les écoles et collèges en 2022, puis qui a été élargi aux lycées en 2023, avec notamment le principe des élèves-ambassadeurs, chargés de sensibiliser leurs camarades et de repérer les situations à risque. Y étaient aussi prévus une écoute et un soutien institutionnalisés aux victimes et à leurs familles, ainsi qu’un dialogue avec les auteurs des faits, en s’appuyant sur la méthode de la « préoccupation partagée », qui consiste à leur faire réaliser ce qu’ils ont fait subir à leurs victimes. Le but étant de casser nette la spirale
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Harcèlement scolaire : les grands changements d’après-rentrée
Au regard des drames qui sont récemment survenus, ces leviers d’action se sont avérés insuffisants. Fin 27 septembre, Elisabeth Borne a donc annoncé plusieurs nouveautés pour lutter contre le harcèlement scolaire.
- Les Ă©lèves du CE2 Ă la 3ᵉ devront d’abord remplir une grille d’autoĂ©valuation anonyme, qui mesurera leur niveau de bien-ĂŞtre Ă l’Ă©cole. A travers la lecture de ces documents, il sera possible de percevoir des signaux faibles ou forts susceptibles de traduire un harcèlement.
- Les harceleurs verront ensuite leur portable confisqué et seront exclus temporairement des réseaux sociaux pendant six mois à un an.
- A Matignon, on a aussi choisi de fusionner en un numéro unique, le 3018, ceux qui étaient autrefois dévolus au harcèlement et au cyberharcèlement, et de lui adjoindre une appli éponyme.
- Par ailleurs, le procureur de la République sera désormais saisi systématiquement à chaque signalement de harcèlement.
- Enfin des cours d’empathie, tels qu’ils sont dispensés au Danemark sous le nom de « Fri for Mobberi » (« libéré du harcèlement ») vont être progressivement inclus dans le programme des établissements.
Faire de la pédagogie autour du harcèlement
Des dĂ©cisions qui semblent aller dans le bon sens pour GrĂ©goire Ensel, le prĂ©sident de la FĂ©dĂ©ration des conseils de Parents d’Ă©lèves (FCPE) : « Ce qui parait louable, c’est de libĂ©rer la parole et de faire en sorte que la peur change de camp. C’est leur première vertu. Mais on constate que depuis, les signalements ont quadruplĂ©. Les enfants et les parents ont donc besoin de savoir ce qui est du harcèlement et ce qui n’en est pas ».
Il se félicite également que les enfants puissent être sondés sur leurs ressentis. « L’avantage des questionnaires individuels, c’est qu’ils « cartographient » le harcèlement. Or, d’habitude, dans la plupart des cas où l’on est sollicité, il n’y pas de traces de ce qui s’est passé avant. Le temps zéro n’existe pas », explique -t-il.
Et cette démarche permet enfin de poser quelques bases indispensables. « Cela donne l’occasion d’expliquer que le harcèlement est interdit, que la LGBTophobie ou la grossophobie ne sont pas des opinions mais des délits. Or, certains enfants ne comprennent pas la nuance », note Grégoire Ensel
Harcèlement Ă l’Ă©cole un effet de meute
Selon le président de la FCPE, ce maillage renforcé pour lutter contre le harcèlement scolaire ne parait cependant pas prendre suffisamment en compte l’aspect collectif de ce phénomène.« Pour moi, le problème des déclarations qui ont été faites, c’est qu’elles laissent croire que le harcèlement est le fait d’une seule personne. Or, c’est une problématique de groupe. Si vous sanctionnez uniquement l’enfant harceleur, vous risquez de fragiliser la victime car vous n’avez rien résolu. Et tout ne doit pas être judiciarisé, il faut d’abord apporter une réponse éducative ».
Quant aux cours d’empathie, qui ont pour objectif d’installer des valeurs de bienveillance entre les élèves, et dont le Ministre de l’Education Nationale Gabriel Attal a souhaité qu’ils intègrent la panoplie des « savoirs fondamentaux », ils sont utiles mais ne peuvent pallier, dixit Grégoire Ensel, le manque de personnel. « Ca ne répond pas au besoin de mettre des adultes dans les écoles. Or, non seulement, on n’en ajoute pas mais on en enlève. Si la loi de Finances prévue passe, ce seront 2 400-2 500 postes d’enseignants qui seront supprimés. Or, ce sont des yeux et des oreilles qui, à l’intérieur de l’établissement, dans la cour, dans les vestiaires et même dans les transports, peuvent détecter des choses et permettent de réagir immédiatement », déplore Grégoire Ensel, qui estime qu’à défaut de moyens adaptés, la plus grande énergie et les meilleures intentions pourraient ne pas suffire à vaincre le harcèlement…
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