« Plus jamais harcelés », de Saverio Tomasella : non, le harcèlement n’est pas une fatalité !

Blog « Plus jamais harcelés », de Saverio Tomasella : non, le harcèlement n’est pas une fatalité !

Par Nathalie Brunissen le

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Le harcèlement scolaire et le cyber-harcèlement sont des fléaux qui touchent bon nombre d’enfants et d’ados. 26 % des jeunes déclarent avoir vécu des situations de harcèlement de la part de jeunes du même âge. 60 % des lycéens se disent concernés. Des chiffres alarmants qui légitimement, inquiètent les parents. Quel est le profil des victimes de harcèlement ? Celui des agresseurs ? Avant que le harcèlement, quelle qu’en soit la forme, vire au drame, le psychanalyste Saverio Tomasella propose de mieux en comprendre les rouages dans son livre « Plus jamais harcelés. En finir avec la maltraitance entre ados », paru aux Editions Vuibert. Grâce à de nombreux témoignages d’experts, de parents, mais surtout de jeunes harcelés ou harceleurs, il propose des solutions concrètes pour prévenir et guérir du harcèlement scolaire.

Chaque année, dans les cours de récréation, les vestiaires de sport et les salles de classe des collèges et lycées, des brimades et des moqueries fusent. Et chaque année, plusieurs centaines d’adolescent décident d’en finir, laissant leurs proches désemparés dans l’incompréhension, épuisés, anéantis, brisés par le harcèlement scolaire et le cyber-harcèlement dont ils ont été victimes de la part de jeunes de leur âge. Le suicide du jeune Lucas, en février dernier, victime de harcèlement scolaire et d’homophobie, en est encore la preuve. Une situation alarmante, au point que depuis le 3 mars 2022 en France, le harcèlement scolaire constitue un délit.

Victimes dévastées, témoins paralysés, éducateurs dépassés, parents démunis, jusqu’aux intimidateurs qui portent le poids de la responsabilité de leurs actes… le harcèlement est un fléau, mais pas une fatalité ! Le psychanalyste Saverio Tomasella, spécialiste de l’hypersensibilité, lui-même victime de harcèlement scolaire durant ses années collège, explique dans son livre « Plus jamais harcelés » les réalités multiformes de ce phénomène de société qu’il qualifie de « maladie sociale », ses origines, sa logique, son fonctionnement. Un livre nourri de multiples études et témoignages d’adolescents, y compris d’ados harceleurs, qui permettent de mieux comprendre les mécanismes du harcèlement. Pour mieux en venir à bout et prévenir les drames qui font régulièrement la UNE de l’actualité.

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Le harcèlement scolaire, pas sans conséquences pour toutes les parties : victimes, harceleurs, témoins

Selon la pédopsychiatre Nicole Catherine, « les trois critères qui fondent toutes les formes de harcèlement : intentionnalité, répétition et relation d’emprise ».  Dans la première partie de son livre « Plus jamais harcelés », après une série de chiffres qui font froid dans le dos et qui témoignent de l’ampleur du harcèlement en milieu scolaire, Saverio Tomasella s’attache à sensibiliser les lecteurs aux signes extérieurs qui peuvent laisser soupçonner que son ado est victime de harcèlement… ou lui-même harceleur. Pour mieux éviter les drames. Il alerte sur les conséquences du harcèlement, qui conduit 36 % des jeunes harcelés à penser au suicide – dont 9 % passent à l’acte selon une étude Ifop.  Sur la psychologie des ados harceleurs qui « deviennent souvent des conjoints et des parents violents ». Mais également sur les conséquences de ces intimidations sur les jeunes qui en sont les témoins souvent passifs, dont on parle moins, mais qui selon lui « développent une sourde culpabilité qui peut se muer en troubles anxieux et dépressifs à l’âge adulte ». Le propos de Saverio Tomasella vaut par la force des témoignages exceptionnels qu’il a recueillis de la part de jeunes souvent peu loquaces sur le sujet.

76 % des intimidations sont pratiquées par des groupes, 24 % par un seul jeune.

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Comprendre les engrenages de l’intimidation

« Que se passe-t-il dans l’esprit des jeunes qui poussent à bout l’une ou l’un des leurs ? », se demande Saverio Tomasella dans son livre « Plus jamais harcelés ». C’est la question que se posent les parents d’enfants victimes de harcèlement, mais aussi ceux, parfois tout autant désemparés, d’un ado harceleur. Parce que selon lui, « tout harcèlement est la manifestation d’une haine non avouée », il est important de comprendre pourquoi ces adolescents n’arrivent pas à extérioriser leurs colères et prennent certains « camarades » comme défouloir.

Selon lui, les réseaux sociaux et Internet plus largement, ont permis aux intimidateurs de se rendre « invisibles, intouchables », ce qui « renforce la puissance de leurs pulsions aveugles, liées au défi, à la destruction et à la haine de l’autre ». Selon Sophie Galabru, philosophes, « ils cherchent à se défouler physiquement, sinon à cibler des personnes tierces à leurs colères : professeurs, amis ou élèves de la classe ». Seulement « il n’y a pas de petite brimade ou de maltraitance sans gravité. Harceler n’est pas jouer ! » martèle Saverio Tomassella.

Il insiste sur la nécessité de laisser parler ses émotions, quelles qu’elles soient – la peur, la honte, la colère. « Les émotions sont les grandes oubliées des drames vécus, alors qu’elles auraient, au contraire, tellement besoin de pouvoir être clamées et entendues ». Et de démontrer le rôle essentiel du groupe, qui laisse faire, et de ses « superpouvoirs ». L’auteur de « Plus jamais harcelés » insiste sur le fait que ce « déferlement pulsionnel n’est possible que du fait d’une autorisation implicite donnée par le groupe dominant, pour rejeter celui ou ceux de ses membres qui sont considérés comme trop différents ».

Les filles sont de plus en plus nombreuses à pratiquer le harcèlement, en particulier le harcèlement numérique.

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Des victimes de harcèlement scolaire qui doivent puiser en elles la force de se défendre… par elles-mêmes

On se demande souvent pourquoi un enfant ou un ado est pris pour cible, plus qu’un autre. Comme l’explique Nora Fraisse, maman de Marion, victime de harcèlement qui l’a conduite au suicide à 13 ans, « tout peut devenir prétexte. Le harcèlement prospère sur le rejet de la différence. Il consiste à stigmatiser, critiquer, exagérer les particularités d’une personne. On est toujours « trop » quelque chose aux yeux d’un harceleur ». Une fois informés du harcèlement dont est victime leur enfant, les parents se demandent toujours pourquoi il n’en a pas parlé plus tôt, à eux ou à un enseignant.

Selon Saverio Tomasella, parler est souvent « un sursaut salvateur, qui a fréquemment lieu lorsque l’acharnement va trop loin ». Mais ça n’est pas pour autant que les parents doivent intervenir frontalement, « l’ingérence directe des parents peut se révéler inutile, inefficace, si ce n’est contre-productive, risquant de renforcer les tensions et les violences à l’encontre de leur fille ou de leur fils ». Selon lui, c’est en effet au jeune harcelé de puiser en lui la force de se défendre : « il est nécessaires qu’il découvre en lui-même comment y faire face en inventant une façon d’y mettre fin pour en sortir grandi ». Les parents doivent rester attentifs et bienveillants une fois conscients du harcèlement subi par leurs ados, mais c’est « en apprenant à se défendre, et comment riposter concrètement qu’ils changent la dynamique du jeu relationnel ». Des propos confortés par les témoignages recueillis par l’auteur.

48 % des victimes de harcèlement n’en parlent jamais.

Violence éducative, complaisance vis-à-vis des harceleurs : la faute aux adultes ?

Selon Catherine Gueguen, « les élèves qui deviennent des harceleurs sont des enfants qui ont manqué d’empathie, ou ont été critiqués, dévalorisés, jugés, rabaissés, humiliés. Soit par des adultes, soit par leurs pairs ». Saverio Tomasella atteste lui aussi que « la violence éducative des parents et des professeurs rend les enfants et les adolescents violents à leur tour, contre les autres et envers eux-mêmes ». Il ajoute que « l’éducation punitive insensibilise l’enfant, induisant des attitudes antisociales lorsqu’il devient adolescent ». Ce que confirme le témoignage de Sophie, souffre-douleur de ses camarades à l’école primaire et en sixième : « on ne peut pas être violent si on n’a pas déjà connu la violence. On se protège en attaquant ».

Dans son livre, l’auteur pointe l’attentisme des adultes, dont la « mollesse » face à une situation de harcèlement « laisse la cible démunie et conforte les intimidateurs en la croyance d’une sorte de « légitimité » de leur violence ». Selon Saverio Tamessella, il serait pourtant facile de tuer dans l’œuf toute velléité de dominer l’autre chez les jeunes : « un préadolescent est encore un enfant. Même s’il s’y oppose, un adulte reste un référent pour lui. Il peut alors prendre l’adulte au mot, et suivre ses consignes ». Il prône, avec sa Méthode de la préoccupation partagée (MPP), « une approche non blâmante », qui aurait pour effet « de mettre facilement en confiance les intimidateurs présumés ». Des postures bienveillantes qui « évitent d’ajouter de la violence à la violence, de la peur à la peur, d’accroître la honte », et qui selon l’auteur, « font naître d’autres sentiments, comme la sollicitude, le respect, l’écoute, l’accueil de la différence ». Saverio Tamessella propose, avec ce qu’il appelle la Somatic Experiencing, « d’accompagner les victimes mais également les auteurs de maltraitances, en les aidant plus particulièrement à se libérer de la colère et de la peur ». Ce qui suppose, pour mettre fin aux ravages du harcèlement, de « favoriser en famille et à l’école la pratique d’une éducation bienveillante, fondée sur l’attention, l’écoute et le respect envers chaque enfant ».

Les abords du collège (37,6 %) et la cours de récréation (33,99 %) sont les principaux espaces de violences.

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Comment mettre fin au harcèlement ?

Dans son livre « Plus jamais harcelés », Saverio Tamessella insiste sur la nécessité de faire de la prévention auprès des plus jeunes, dès la maternelle, pour « développer leurs qualités relationnelles » et éviter que certains enfants ne prennent l’ascendant sur d’autres par une violence psychique ou physique. Il préconise de créer « les conditions de vie au collège et au lycée qui s’appuient sur la convivialité », et d’essayer de « réguler l’excès de stimulation et de stress » qui fait que l’on se laisse dominer par ses émotions, au point que cela affecte notre vie relationnelle.

Si vous êtes des parents d’enfants concernés par le harcèlement scolaire ou le cyber-harcèlement, des parents qui s’inquiètent de l’étendue de ce fléau, nous vous recommandons vivement la lecture de ce livre sur le harcèlement qui regorge de témoignages parfois très touchants. « Plus jamais harcelés » est surtout un ouvrage positif, plein de conseils tirés de l’expérience de jeunes qui témoignent ici de leur parcours du combattant pour se sortir de la maltraitance dont ils ont été victimes au collège ou au lycée… et qui en sont sortis plus forts.

Plus jamais harcelé, de Saverio Tomasella, aux Editions Vuibert, avril 2023, 16,90 € – Commander

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