Vous avez dit « co-éducation » ?

Blog Vous avez dit « co-éducation » ?

Par Brigitte Valotto le

coéducation

Non, les profs ne sont pas vos rivaux ou vos ennemis… mais vos alliés : si la « co-éducation » est entrée dans les objectifs de l’Education Nationale, c’est pour renforcer cette alliance entre profs et parents qui devrait profiter aux enfants. Alors, cette rentrée… on s’y met ?

« On n’est plus à l’époque où les parents restaient à la porte de l’école ! Pour moi, c’est tout naturel de m’impliquer, d’être invitée à venir voir ce que font nos enfants, de dialoguer avec les profs », estime cette mère d’élève. « Mais j’ignorais qu’ils appelaient ça la «coéducation » ! »

Elle n’est pas la seule, comme le montre une enquête récente* : alors que les enseignants le connaissent tous, près de deux tiers des parents ne savent pas ce que recouvre ce thème venu du jargon de l’Education nationale. Pourtant, quand on explique de quoi il s’agit, 81 % d’entre eux, et près de 100 % des enseignants, se disent intéressés, et placent même la « coéducation » au deuxième rang des priorités actuelles pour améliorer la réussite des élèves, après l’allègement des effectifs dans les classes.

L’école, lieu de socialisation

« Cela prouve qu’ils sont très conscients de l’importance d’agir ensemble au bénéfice des apprentissages de l’enfant, même si les attentes envers la coéducation sont différentes : pour les profs, la tâche des parents c’est d’abord de présenter un enfant prêt à endosser son rôle d’élève, tandis que pour les parents, le bénéfice attendu, c’est avant tout la réussite scolaire », résume Pierre Périer, sociologue et enseignant-chercheur en Sciences de l’Education à l’université de Rennes, auteur de plusieurs livres sur la coéducation. « Elle est officiellement dans les objectifs de l’Education nationale depuis 2013 », explique-t-il. « C’est l’aboutissement d’une évolution qui a été assez longue en France : pendant longtemps, les parents s’occupaient de l’éducation et les enseignants de l’instruction… chacun son domaine, et on n’interférait pas dans celui de l’autre !  Aujourd’hui, l’école est devenue un lieu de socialisation, les parents sont appelés à s’impliquer, mais on ne sait pas toujours très bien de quelle manière ! »

Coéducation : s’impliquer, oui, mais… comment ?

En effet, près de la moitié des parents et plus de 6 enseignants sur 10 disent ne pas très bien savoir comment réaliser cette fameuse « co-éducation ». Résultat : « Elle peut être source de malentendus ou de désaccords ; parents et enseignants ayant des conceptions différentes de ce qu’il leur revient de faire », estime le sociologue. Visites de classe, « cafés de parents », blogs parents-profs, sont les initiatives les plus fréquentes, mais « c’est très différent selon les niveaux scolaires, et selon les établissements », explique-t-il. Dans les quartiers prioritaires, par exemple, il s’agit d’abord d’inciter les parents à entrer en classe : « Ils n’osent pas », souligne Brune Hennequin, institutrice en ZEP. « Ils ne se sentent pas légitimes, et ont tendance à mettre l’enseignant sur un piédestal. Donc je leur propose de venir une ou deux fois par an observer une matinée en classe et prendre en charge un atelier tout simple. Lors de la première réunion des parents, je leur présente l’appli Klassroom, que je vais utiliser pour communiquer avec eux. »

Un lien à créer entre parents et enseignants

Pour ceux qui parlent mal la langue, un programme d’accompagnement a également été mis en place, le CLA (Contrat local d’accompagnement).  « L’important c’est de pouvoir créer un lien de confiance », insiste Brune Hennequin. « J’essaie de leur expliquer les objectifs d’apprentissage, j’affiche des photos de ce qu’on fait en classe, et s’ils prennent le temps de les regarder, et d’en parler le soir avec leur enfant, alors un lien école-famille peut se créer. Un enfant qui parle avec ses parents de ce qu’il a fait à l’école lui donne plus de sens, s’investit davantage dans ses apprentissages, ça donne du sens aux efforts fournis. »

Avec les parents de niveau socio-culturel élevé, le problème est très différent : eux risquent de « surinvestir » leur mission, et de vouloir expliquer à l’enseignant ce qu’il doit faire ! « La coéducation est un partenariat, elle ne doit pas conduire à brouiller les rôles de chacun », avertit Pierre Périer. Bien comprise, elle peut avoir d’excellents résultats, et pas seulement dans les petites classes : « Depuis 4 ans qu’on l’a mise en place, on a 100 % de réussite au bac, et plus de mentions » se félicite Jérémie Fontanieu, professeur de lycée en sciences économiques et sociales, qui a mis en place avec son collègue de mathématiques le projet baptisé « Réconciliations ». « Il repose sur une relation précoce avec les parents et une régularité des échanges. On a commencé avec les terminales, puis on l’a élargi peu à peu. »

réussite scolaire

Coéduquer, avec la réussite pour objectif

L’axe essentiel ? Ne pas être des « oiseaux de mauvais augure » mais des partenaires rassurants : « Début septembre, quand on appelle les parents, beaucoup nous demandent s’il y a déjà un souci », remarque Jérémie Fontanieu. « Redouter un appel du prof, c’est malsain. Nous, on veut leur montrer qu’on a besoin d’eux, on les appelle en leur tendant la main. On est pas là pour saquer leurs enfants, mais pour les tirer vers le haut, avec leur aide ! » La réussite est au bout du fil :« Tous les parents répondent à cet appel, le lien est continu, ensuite on envoie un petit sms chaque semaine… C’est un travail de prévention qui nous évite beaucoup de soucis, alors que quand on ne se parle pas et qu’on intervient qu’en cas de crise, c’est déjà trop tard ! »

Certes, cet investissement demande du temps à l’équipe enseignante : « En début d’année, ça prend trois heures d’appeler individuellement tous les parents, puis chaque semaine c’est une demi-heure. Mais ensuite on gagne beaucoup de temps dans la progression pédagogique, car les élèves multiplient par deux ou trois leurs efforts ! Et s’ils font plus d’efforts, ils progressent, donc se rendent compte de ce dont ils sont capables et vivent une expérience de réussite,… Plus de temps auprès des familles, c’est moins de temps de travail purement scolaire… et ça donne des résultats formidables ! »

Les outils pour une bonne « co-éducation »

Lorsque l’on demande aux parents et aux enseignants les outils qu’ils souhaiteraient pour mettre en place pour une coéducation moins conventionnelle, on observe qu’ils ne privilégient pas les mêmes outils. S’ils s’accordent sur l’intérêt des jeux et livres pouvant circuler entre la classe et la maison, ils divergent sur d’autres supports : « l’application permettant la communication parents-école » est valorisée par les parents (classée en 1) tandis que le « guide des bonnes pratiques de coéducation » est valorisé par les enseignants (classé en 1).

* Enquête réalisée par Nathan et Lea.fr auprès de 1002 parents et 2002 enseignants de la maternelle au collège, en collaboration avec le sociologue et chercheur Pierre Périer, et présentée lors de la table ronde « Co-éduquer, oui mais comment ? »  organisée en partenariat avec l’appli Klassroom en octobre 2021.

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