Les livres et les films pour enfants sont remplis de personnages qui font peur. De la méchante reine de Blanche-Neige au grand méchant loup du Petit Chaperon Rouge, pour rester dans les classiques, ils terrifient les enfants… et pourtant ils les aiment ! Explications avec Maryse Vaillant, psychologue.
Est-il normal qu’un enfant ait des peurs ?
Tout à fait normal. L’enfant projette ses incertitudes intérieures, ses émotions, ses craintes, l’inconfort dans lequel le met le fait de grandir, il en fait des éléments extérieurs qui lui reviennent sous forme d’objets de peur, monstres, sorcières, loups. Ainsi, grâce à ces personnages, ces animaux, ces peurs sont incarnées, il peut en parler, sa famille peut l’en protéger.
Ce sont des mécanismes fondamentaux, la projection, et la création imaginaire, qui permettent de supporter le chaos interne en lui donnant corps et formes, en le mettant en récit.
Quelles sont-elles ? D’où viennent-elles ? Evoluent-elles avec l’âge ?
Les peurs premières sont souvent calquées sur les premières angoisses : être absorbé, dévoré, tomber, se dissoudre, perdre consistance. Ce sont les angoisses des nourrissons confrontés au chaos premier, à un monde de sensations, à un âge où l’on ne peut même pas s’inventer un loup ou un monstre pour incarner ses malaises.
Ensuite les peurs d’être abandonné, perdu, rejeté, dévoré, viendra prendre le relais. Il suffit de voir les histoires que les enfants adorent. Ils aiment les monstres, les loups et les sorcières, ce sont des figures qui englobent leurs peurs diffuses.
– Max et les Maximonstres, adapté du livre pour enfants de Maurice Senda
– Monstres de père en fils, chez Actes Sud Junior
Comment aider l’enfant à apprivoiser ses peurs ?
Par le récit, l’imaginaire, le dessin, les histoires, les comptines. Les contes traditionnels sont efficaces car ils mettent en place une histoire ancestrale. Les comptines rassurent par leur régularité (le sens n’a pas d’importance) les rituels du coucher sont essentiels car ils rassurent par la répétition et le retour au calme qu’ils imposent.
On peut laisser une lampe, faire le tour des placards… Ne pas se moquer, prendre au sérieux, rassurer, insister sur la présence d’adultes aimants dans la maison. Ne pas oublier que si le monstre est imaginaire, la peur est réelle.
Dans la journée, le dessin la peinture permettent d’extérioriser des peurs que l’enfant maîtrise mal.
– Happy Halloween : 5 livres pour frissonner
Pourquoi tant de livres jouent-ils sur les peurs enfantines ?
Les enfants adorent avoir peur si cela se termine bien. Le livre enclos la peur dans ses pages. On peut l’ouvrir et le fermer. L’enfant peut vouloir mettre le livre sous son oreiller ou l’enfermer dans un tiroir. Le laisser faire. Il a besoin de maîtriser ce qui l’effraie.
Les livres pour enfants sont une mine extraordinaire pour aider l’enfants à rencontrer ses peurs et à les dépasser. Les auteurs savent que les enfants vont vers des livres qui incarnent leurs émotions et leurs craintes.
– Un livre d’activités pour rire de ses peurs
- Pourquoi nos ados adorent les vampires ?
– Darkmouth, nouvelle série fantastique pour jeunes lecteurs
Qu’apportent-ils à l’enfant ?
La possibilité de jouer avec la peur. De la ressentir, l’exprimer, la partager, la dépasser. Tout un scénario intime se met en place et l’enfant joue ses émotions et donc apprend à la maîtriser. Il en a besoin. La peur doit être vécue, ressentie, exprimée, partagée, pour être dépassée.
Et pourquoi l’enfant aime-t-il tant ces histoires qui font peur ?
Il en a besoin. Sinon la peur (ou les autres émotions fortes comme le chagrin, la séparation, etc) reste en lui, informe, diffuse, et envahissante. Avoir peur de quelque chose de précis et clair comme un loup, un monstre ou une sorcière, et pouvoir être consolé, c’est génial. Sinon, l’angoisse domine. Diffuse, imprécise, envahissante. La peur protège de l’angoisse.
Que ce soit à travers un livre, un film ou un dessin animé, le rapport à la peur est-il le même ?
Le livre c’est mieux. Car on peut le refermer, le ranger, l’ouvrir. Le film peut sidérer l’enfant, pour connaître la suite, il écarte les pensées gênantes. Il est préférable d’éviter les films qui font peur aux tout-petits et garder cela pour les plus grands.
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Pourquoi des collections comme Chair de Poule font-elles un tabac auprès des préados ?
Les préados sont aux prises avec les changements psychiques, hormonaux, scolaires et sociaux qui leur annoncent de grands bouleversements. Il n’est pas impossible que jouer avec la peur leur rappelle qu’ils ont déjà survécu à de grandes épreuves et que leur famille est là pour les en protéger. Qu’eux-mêmes deviennent capables de s’en protéger.
Les jeunes ados adorent les films d’horreur, « qui ne font même pas peur »… Comment expliquer que plus rien ne semble faire peur aux ados ? Doit-on s’en inquiéter ?
Les ados sont totalement secoués par la puberté qui les prépare à une vie que ni la société ni la famille ne leur permet d’expérimenter. Ils ont besoin de jouer de leurs peurs, comme les petits. Pour la connaître, la dépasser. Se connaître, se dépasser. La preuve qu’ils ont peur est qu’ils adorent les histoires à faire peur. Mais ils ne viennent pas chercher le réconfort dans nos bras ! Il serait inquiétant qu’ils n’aient peur de rien, mais ce n’est pas le cas. Ils ne le montrent pas. Sauf en regardant leurs histoires de vampires et les films d’horreurs qui leur permettent d’éprouver et d’affronter leurs peurs personnelles (angoisses de transformations, peur de la mort, peur de l’altérité, de l’ostracisme, etc.) sous le déguisement que permettent les fictions.
Tant que les ados (jusqu’à l’heure de la responsabilité) aimeront se faire peur (en le niant, « même pas peur« ), par l’imaginaire, ce n’est pas inquiétant. Bien plus graves sont les comportements de mise en danger que certains mettent en place pour éprouver la peur, le risque et le sentiment d’être en vie.
Maryse Vaillant, psychologue clinicienne
Longtemps spécialisée dans le domaine de l’enfance, de l’adolescence et de la famille, Maryse Vaillant a publié plus d’une vingtaine d’ouvrages. Après [amazon-product text= »Mes petites machines à vivre » type= »text »]2709635151[/amazon-product] (en poche chez Marabout en septembre 2012), son dernier livre, [amazon-product text= »Pardonner à ses enfants – De la déception à lapaisement » type= »text »]B009G2TCZM[/amazon-product], est sorti en octobre 2012 chez Albin Michel. Maryse Vaillant nous a quitté suite à un longue maladie en janvier 2013.
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