Accueil > Mes Enfants > Comment protéger les jeunes garçons des théories masculinistes en ligne ?

Comment protéger les jeunes garçons des théories masculinistes en ligne ?

Par Juliette Prime - Mise à jour le

masculinisme adolescence

Avez-vous remarqué la popularité de la série britannique « Adolescence » sur Netflix ? Cette fiction met en lumière la montée des idéologies masculinistes chez les jeunes. Récemment, un institut britannique rapportait que 76% des enseignants de primaire et 60% des enseignants de collèges ont exprimé leur inquiétude face au retour de la misogynie à l’école. Ces chiffres révèlent des comportements hostiles envers les jeunes filles, souvent sous l’influence croissante d’idées diffusées en ligne qui prônent le non-respect des femmes et leur infériorité, ainsi que la domination des hommes, voire même l’exercice de la violence sur elles comme étant dans l’ordre naturel des choses.

En France aussi, les théories masculinistes circulent activement sur les réseaux sociaux, ciblant particulièrement les jeunes garçons. Elles peuvent les rendre violents, et exposent les filles et leurs autres camarades à cette violence. Les conséquences peuvent être graves (voir ce fait divers récent relaté par France Bleu), mais l’endoctrinement n’est pas irréversible. 

En tant que parents, il est crucial de saisir l’ampleur de ce phénomène pour mieux protéger nos enfants. Comment pouvons-nous y faire face ? Mafamillezen vous donne les clés pour comprendre, agir et prévenir.

Un mouvement né en réaction à #MeToo

Lydiane Bouchet, psychologue et psychothérapeute auprès de jeunes depuis 22 ans, en cabinet comme en maison des adolescents en Haute-Savoie et en Suisse, observe que « les théories masculinistes ont pris une bonne flambée après le mouvement #MeToo. On obéit toujours à l’homéostasie : on ne veut pas de changement. Or, le mouvement #MeToo a eu un coût pour certains hommes, qui en réponse ont développé un masculinisme ultra violent et inadapté ».

Le problème, c’est que les enfants et les jeunes adultes sont susceptibles d’être perméables à ces idées. En construction de leur identité, ils n’ont pas les clés pour développer le recul nécessaire face à des discours adultes présentés comme la réalité. C’est ce qui inquiète Lydiane Bouchet : « Les jeunes ne se rendent pas compte que ce qui arrive aujourd’hui c’est la répétition d’idées et de pensées, pas la vérité ».

comment est né le mouvement masculiniste

L’architecture des réseaux : un terreau fertile pour les théories masculinistes

Les algorithmes des réseaux sociaux et l’intelligence artificielle jouent un rôle important dans cette propagation, à des âges où les adolescents n’ont pas encore développé leur esprit critique : plus ils entendent ces idées, plus ils vont les intégrer. Lydiane Bouchet expose la mécanique d’emprise à l’œuvre : « L’intégration de ces théories a lieu grâce à la répétition permise par les algorithmes des réseaux sociaux et l’IA ».

Elle cite l’exemple du procès Johnny Depp contre Amber Heard en 2022, comme moment de bascule : « les mascus ont inondé par la répétition de contenus identiques les réseaux, contenus présentés à l’infini comme la vérité. C’est la façon dont les réseaux sont construits  – pas d’éthique par rapport à la vérité et l’origine – qui poussent ses théories dans les têtes de nos ados. Pour moi, c’est la première cause de ce phénomène ».

Pornographie et immaturité affective : un cocktail explosif

La deuxième cause majeure de la prolifération de ces théories, selon la thérapeute, est la pornographie et la violence pornographique qui rencontrent l’immaturité affective des jeunes. Cela mène à « une spirale descendante des constructions catastrophiques ». En psychologie, une bonne santé mentale repose sur trois piliers : « l’interdit de l’inceste, du meurtre, et le respect du rang des générations ». Or, les scénarios pornographiques violents montrent un effondrement de ces limites.

Lydiane Bouchet témoigne de la banalisation de la violence sexuelle : « On rentre dans des constructions désastreuses où l’altérité et les rangs générationnels ne suscitent plus de respect, et où ces scénarios sont présentés comme la norme ». Son témoignage est foudroyant : « Je vois une trentaine de patients par semaine, et cette banalisation est là depuis un peu moins de 10 ans. Au niveau de la psychiatrie, chez les jeunes ados, avant, on avait pas mal de problématiques dépressives et maintenant, ce sont des problématiques anxieuses. Avant, on avait que des troubles alimentaires, des problèmes scolaires. Ces dernières années, en plus, on a des problématiques perverses qui se développent beaucoup, pour résumer : “ j’en ai rien à faire de toi et c’est moi qui compte avant tout.” »

impact de la pornographie en ligne sur les adolescents garçons

Exposer nos enfants et nos jeunes à la pornographie et à la violence, c’est de l’inceste 

Chez ces patients ados, l’indifférence à l’autre domine. La psychologue exprime sa colère face à cette situation : « Je suis en colère contre ces adultes qui permettent la prolifération de la pornographie sans garantie de protection de nos ados. Ce sont ces adultes le problème, et pour moi, exposer les ados à ces contenus, cela rejoint l’inceste ». Elle précise : « Le porno, c’est de la sexualité adulte qui devrait être regardée par des gens adultes et pas des ados sans maturité, sinon, c’est de l’agression et de l’inceste ». Elle rappelle que l’adolescence, selon la littérature scientifique, s’étend de 12 à 25 ans, période durant laquelle la maturité physique et psychique n’est pas encore pleine.

Le choix de Gaëtan, 14 ans : limiter les écrans pour préserver sa liberté de pensée

Gaëtan, élève de 5ème et jeune élu au Conseil Municipal des Enfants (CME) de sa ville, a fait un choix éclairé. Il ne « traîne pas trop sur les réseaux sociaux », car, dit-il, « beaucoup de contenus ne m’intéressent pas et sont destinés aux adultes. J’ai peur que les réseaux sociaux me mangent le cerveau avec des vidéos néfastes, mensongères, et qui relaient des clichés ». Il utilise Internet pour travailler, non pour les réseaux, car il souhaite « garder [sa] liberté de pensée ».

« On n’est pas obligé d’être dominant dans la société ! »

Gaëtan est conscient des stéréotypes de genre. Au CME, il a été confronté au cliché des garçons plus forts en mathématiques et des filles plus en français. « C’est vraiment faux », affirme-t-il, « on peut très bien être fort ou faible dans l’une ou l’autre de ces matières, qu’on soit un garçon ou une fille, c’est vraiment pas lié au genre ». Concernant la dominance masculine, il ajoute avec sagesse : « On n’est pas obligé d’être dominant dans la société, pour vivre, il suffit seulement d’être élégant, c’est bien mieux ». 

« Parents, ne cédez pas ! »

Pour protéger les garçons des influenceurs masculinistes, Gaëtan propose une solution radicale : « Je suis pour que les adultes aient un contrôle sur le téléphone de leur enfant, via une appli qui limite le temps d’écran, 10-15 minutes par jour pour qu’ils se divertissent, c’est suffisant. Et en plus, que les parents aient accès à l’historique de leurs enfants afin qu’ils bloquent directement les contenus qui ne sont pas appropriés. Du coup, les enfants ne pourront pas pleurnicher en allant voir leurs parents pour qu’ils débloquent les contenus problématiques, les parents ne doivent pas céder ». Il nous interpelle : « Parents, ressaisissez-vous, ne vous laissez pas faire par des enfants pourris gâtés et pas respectueux ! Face aux réseaux sociaux et leurs dangers, il faut des restrictions sévères, et il faut sévir ! ». 

mon ado vire masculiniste que faire

Le rôle des parents : être des modèles et des guides

Lydiane Bouchet souligne que le premier modèle pour les enfants est celui des parents. « En tant que père ou mère, quel modèle je donne à mon enfant ? J’ai des propos féministes, mais dans la réalité, je suis au service de tout le monde, est-ce que je suis intègre ? », sont le type de questions qui méritent d’être posées. Prôner un modèle sans se l’appliquer à soi est un mauvais signal envoyé aux enfants, qui vont le percevoir comme tel. Pour qu’elles soient adoptées par les enfants, il faut incarner les valeurs que l’on prône. 

Favoriser un terreau fécond et protecteur contre le vide des réseaux 

Le partage des responsabilités au sein du foyer, mais également la qualité d’écoute créent un « terreau » protecteur pour l’enfant, poursuit la psychologue. Si ce terrain n’est pas suffisamment travaillé durant l’enfance, l’enfant devient « perméable« , un « sol assoiffé » qui absorbera facilement les influences négatives, y compris les théories masculinistes. Les enfants bien « nourris » par leurs parents, leurs professeurs, le sport et la culture développeront leur esprit critique et seront moins susceptibles de se laisser piéger par les récits masculinistes qui « offrent un bouc émissaire vers lequel tourner sa colère », selon Stéphanie Lamy, chercheuse spécialisée dans les guerres de l’information.

La colère et la frustration étant des émotions qui traversent les adolescents en construction et en recherche de défouloir pour les déverser, elles ont naturellement besoin d’un réceptacle. 

comment protéger mon fils des discours masculinistes sur les réseaux sociaux

Comment détecter les signes d’une influence masculiniste ?

Stéphanie Lamy évoque les « signaux faibles de la radicalisation »: un changement d’attitude envers les femmes et les minorités, ces idéologies étant basées sur « l’effacement de la perspective des femmes et des minorités de genre, et sur la préservation des intérêts entre hommes. La victimisation permanente est également symptomatique ». Des mécanismes dénoncés très justement dans la série britannique “Adolescence”, que la chercheuse et militante féministe prend comme exemple. Si notre enfant manifeste une tendance à la violence, cela doit aussi nous alerter.

Agir avec bienveillance et stratégie

  • Le dialogue est essentiel : « Parler pour que les ados écoutent et écouter pour que les ados parlent », comme le proposent Faber et Mazlish. Intéressez-vous à ce qui les passionne, même si cela vous semble futile. Même si vous n’en avez rien à faire de Star Wars ou Fortnite, c’est votre porte d’entrée dans son monde. Cette connexion est la clé pour aborder ensuite des sujets plus délicats.
  • Encourager le sport et la culture : mettre l’enfant dans des environnements stimulants où il peut se décharger de ses pulsions est vital. Le sport, en particulier, « donne les limites, et canalise l’énergie – davantage orientée vers la recherche de plaisir immédiat et la satisfaction instantanée chez les garçons –  et permet d’être valorisé », conseille Lydiane Bouchet. 
  • Promouvoir la légitimité des femmes : Stéphanie Lamy souligne qu’il est crucial que les pères soutiennent activement les mères sur l’égalité et que la déconstruction des dynamiques sexistes se fasse au sein même du couple parental.
  • Sensibiliser au signalement : apprenez à vos enfants l’importance de signaler les contenus masculinistes en ligne. Cela leur confère un pouvoir d’action.
  • Gérer la radicalisation avec discernement : si une violence s’est exprimée, consulter un psychologue, si l’enfant est d’accord, peut être très utile. Il est vital de « reconnaître son mal-être, car sans lui, il n’y a pas d’adhésion au discours masculiniste ». 

Les parents espagnols, pionniers en la matière, ont lancé un grand mouvement pour une « adolescence sans mobile« , afin de contrer une utilisation du portable qu’ils jugent précoce et illimitée. Preuve qu’une prise de conscience collective est possible et nécessaire.

En tant que parents, nous avons la responsabilité de guider nos enfants dans ce monde complexe. Le dialogue, le modèle que nous leur offrons et la promotion d’environnements stimulants sont nos meilleurs outils pour les protéger des dérives masculinistes et les aider à construire une masculinité saine et respectueuse.

Vous avez aimé cet article ou bien vous voulez réagir ?

Articles en relation

Envie de réagir à cet article, de donner votre avis ou de partager votre expérience ? Je prends la parole !

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

A lire aussi dans la rubrique Mes Enfants

Plus d’articles sur MAFAMILLEZEN