
La question, bien que controversée, est aujourd’hui plus urgente que jamais. Jusqu’ici, moins de 15 % des élèves recevaient le nombre de séances d’éducation à la sexualité prévues par la loi depuis 2001. Un manque dangereux, dans une société qui peine à protéger nos enfants des préjugés sexistes, de l’exposition à la pornographie, et des violences sexistes et sexuelles. Parce que ces sujets sont tabous, devrait-on éviter de les aborder à l’école ? Au contraire, c’est une nécessité d’en parler.
Éviter de parler de la sexualité à l’école, c’est aussi exposer nos enfants à ces violences. Mais bien entendu, il est indispensable que ces enseignements soient adaptés à chaque âge. C’est pour cette raison que les cours relatifs à la sexualité ne concernent pas les élèves de 1er degré (qui reçoivent des séances d’Éducation à la vie affective et relationnelle). Ce n’est qu’au collège et au lycée que les cours d’Éducation à la vie affective, relationnelle, et à la sexualité (EVARS) sont dispensés. « Ces informations sont données relativement aux âges des enfants, contrairement à ce que nombre de personnes imaginent en relayant des fake news » s’agace, Karine, maman d’une collégienne dans les Hauts-de-France.
Les établissements scolaires doivent se conformer à l’obligation de donner trois cours de ce type par classe et par an. Les programmes ont été conçus et validés par le Conseil supérieur de l’éducation, pour éviter les dérives de tout bord, et vont bien au-delà du seul sujet de la sexualité.
Les objectifs clés du programme d’éducation à la sexualité
Dans le secondaire, les objectifs clés du programme d’Éducation à la vie affective, relationnelle, et à la sexualité sont les suivants :
- Transmettre des connaissances sur la sexualité et la santé, sur la reproduction, la contraception et la prévention des infections sexuellement transmissibles (IST)
- Favoriser des choix éclairés et responsables
- Lutter contre les discriminations : sensibiliser aux stéréotypes, notamment de genre, et promouvoir l’égalité et le respect entre les sexes
- Prévenir les violences sexuelles et le harcèlement : inculquer les notions de consentement, de respect et de droit
Pour plus d’informations sur le programme, le ministère de l’Éducation met à disposition des ressources sur son site, avec des informations claires pour chaque niveau scolaire.
Comportements à risques : nos ados en danger
Karine est aussi maman d’une adolescente en classe de 4ème, Maya. Hypnothérapeute de profession, travaillant notamment sur les questions de sexualité, elle est contente que ces sujets-là entrent enfin à l’école : « Il y a une vraie méconnaissance chez plein de jeunes, ce qui entraîne des comportements à risques. Il y a beaucoup de dérives avec les réseaux sociaux, des gamines qui se retrouvent nues sur les réseaux, des pratiques sexuelles parfois extrêmes à des âges où on est encore fragile. Je trouve important d’éduquer filles et garçons, de rappeler les risques d’IST, l’importance fondamentale du consentement et le fait que la pornographie n’est pas un modèle sur lequel calquer sa sexualité, a fortiori quand on commence sa vie sexuelle ».
Pourquoi l’éducation sexuelle à l’école est-elle vitale ?
La thérapeute parle en connaissance de cause. Sur le plan professionnel, elle a parfois l’occasion de rencontrer des jeunes filles qui ne semblent pas toujours mesurer à quel point elles se maltraitent en acceptant des choses qui ne leur conviennent pas, témoigne-t-elle.
Pour toutes ces raisons, l’école, lieu d’apprentissage et de socialisation, a un rôle crucial à jouer. Elle doit donner à nos enfants les clés de compréhension pour agir et se protéger : anatomie, consentement, relations filles/garçons, émotions, intimité, puberté… Des sujets essentiels, trop souvent négligés. « C’est ainsi que les adultes de demain pourront acquérir de nouvelles bases, comprendre le cadre légal et la nécessité de se respecter et de respecter l’autre », insiste Karine.
Un programme national beaucoup plus ambitieux : une réponse à l’urgence
Depuis le 6 février 2025, l’Éducation à la vie affective, relationnelle, et à la sexualité, devient une priorité nationale, avec un tout nouveau curriculum, et un calendrier avec des directives claires. Ce programme ambitieux, adopté par le Conseil supérieur de l’éducation, marque un tournant décisif. Désormais, chaque établissement – privé, confessionnel, public – à l’obligation de s’y conformer. Les parents ne sont pas informés en amont des horaires auxquels les séances sont délivrées, pour éviter que ceux qui sont contre retirent leurs enfants de classe lorsque les programmes sont délivrés.
Le programme d’éducation à la sexualité en détail au niveau secondaire
Voici ce que l’on trouve dans le programme d’éducation à la sexualité au collège :
- Les différences filles/garçons (les stéréotypes aussi)
- La puberté
- La sexualité humaine
- La rencontre de l’autre
- Sexualité et réseaux sociaux
- La contraception,
- Consentement, loi et sexualité
- IST
- Les discriminations liées à l’orientation sexuelle
- Connaître les lieux et les personnes ressources
Karine commente : « Ma fille a reçu son premier cours sur l’anatomie et le fonctionnement du cycle. Elle a apprécié et trouve que le fait d’avoir fait cela en groupes non-mixtes a permis de mieux libérer la parole ». Ainsi, les séances sont aménagées de sorte à ce qu’elles soient vraiment adaptées aux élèves.
Des enseignants encore peu formés
Sophie est une autre maman de collégienne. Elle a quelques réserves quant aux cours d’EVARS reçu par sa fille : « Ma fille a trouvé les cours bien, mais malaisants par certains contenus. Moi, je pense que c’est bien, mais que cela doit être fait par des personnes vraiment formées. En effet, certains enfants n’ont pas ces informations au sein de leur famille et personne ne reprendra après avec eux. En conclusion, c’est utile, mais avec des intervenants correctement formés ».
Ainsi, si de nombreux parents se positionnent en faveur des cours d’EVARS, ils pointent du doigt le manque de formation de certains intervenants. Une lacune dont le ministère de l’Éducation nationale est conscient.
L’accompagnement des intervenants : un élément essentiel
Pour que ces programmes d’éducation sexuelle à l’école soient efficaces, les enseignants et personnels sociaux et de santé de l’Éducation nationale doivent être formés et accompagnés. De fait, de nouvelles formations sont organisées à partir du second trimestre 2025. Elles comprennent :
- Des séminaires et ateliers de formation
- Un parcours d’auto-formation en ligne
- Des ressources pédagogiques et une FAQ
Et c’est en septembre 2025 que les programmes d’éducation à la sexualité entreront en vigueur de manière officielle.
L’éducation à la sexualité à l’école, un sujet encore sous tension
L’Éducation à la sexualité (EAS) à l’école est un sujet délicat pour certaines familles dans lesquelles la pratique d’une religion est importante et l’intimité et les thèmes relatifs à la sexualité tabous. Pour les enfants et les adolescents de ces familles, l’Éducation nationale offre cet espace pour en parler à ceux qui n’y n’auraient pas accès autrement. « Bien que le nombre d’heures soit tellement faible qu’il en faudrait sans doute bien plus pour que ça ait le temps d’être bien intégré » par eux et par tous, relativise Karine.
Pour l’autre maman, Sophie, ces programmes ne régleront certainement pas tout : « Un dernier point que je ne peux pas laisser passer : la justice bien évidemment condamne. Il faudrait là aussi, je pense, une explication sur la poursuite des infractions, le déroulé des audiences, la charge de la preuve… Et sur les peines, pour tous justiciables que nous sommes. Afin d’éviter les raccourcis ». Des questions sur lesquelles les formateurs et formatrices ne sont pas forcément à l’aise.
Malgré les réserves, l’EAS à l’école ne doit pas être taboue, car c’est une nécessité vitale. Elle permet de protéger nos enfants, de leur donner les clés d’une vie affective et sexuelle épanouie, et de construire une société plus égalitaire et respectueuse.
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