
Et si l’école ne se déroulait plus uniquement entre quatre murs ? Imaginez vos enfants apprendre, créer et s’épanouir au grand air, au contact de la nature. C’est le principe de la classe dehors, une approche pédagogique qui gagne du terrain et promet de changer la vie de 12 millions d’élèves, de la maternelle au lycée, et même à l’université. Loin d’être une simple tendance, cette pratique ancestrale revient en force pour répondre aux défis actuels de nos enfants, de la sédentarité à l’éco-anxiété. Mais, concrètement, qu’est-ce que la classe dehors et quels sont ses véritables atouts ? Mafamillezen est allé à la rencontre de ceux qui la pratiquent.
La classe dehors : un retour aux sources bénéfique pour tous
L’idée d’apprendre dehors n’est pas nouvelle. « Elle s’inscrit dans la grande histoire de l’éducation » rappelle Benjamin Gentils, directeur de l’association La Fabrique des communs pédagogiques, acteur majeur de la classe dehors en France. Avant l’ère des infrastructures scolaires modernes, l’apprentissage en plein air était la norme. Aujourd’hui, cette pédagogie se réinvente pour faire face à des enjeux cruciaux.
Deux évidences majeures ressortent de la pratique de la classe en extérieur : « La remise en mouvement du corps. La classe dehors est bonne pour la santé mentale et physique des enfants. Et la deuxième, c’est l’apprentissage, il est de meilleure qualité » explique Benjamin Gentils. Il poursuit : « La classe dehors, cela ne veut pas dire qu’on n’apprend pas. Au contraire, cela permet de réaliser le programme scolaire dans des lieux plus stimulants pour les enfants. De cette manière, ils l’intègrent mieux ! ».
Le plaisir de lire au grand air, CE1-CE2, Ecole Saint Ferréol, Saint Forgeux, Rhône
Les bienfaits de la classe dehors pour vos enfants
Lutte contre la sédentarité et l’obésité
Avec une génération d’enfants qui bouge moins, et des chiffres alarmants sur l’obésité infantile, la classe dehors offre une opportunité de bouger, de développer la motricité et de prévenir des problèmes de santé publique massifs.
Amélioration de la concentration et des apprentissages
Observer la nature, manipuler des éléments concrets, vivre des situations d’apprentissage « en conditions réelles » stimulent la curiosité et ancrent les savoirs.
Emma, 11 ans et élève de 5e, témoigne de son expérience en classe de maths en 6e : « On devait deviner le nombre qui correspondait à un dessin (Opérations avec nombres inconnus du type 1 caillou +1 caillou +1 caillou = 3. Quelle est la valeur d’1 caillou ?). Et la même chose avec plusieurs objets naturels (branche, caillou, terre…). Grâce à cette classe, j’ai trouvé les maths plus amusantes. Comme des petites énigmes qu’il fallait résoudre avec tout ce que l’on a appris au long de l’année ».
Développement des compétences langagières et mathématiques
La nature offre un cadre revivifiant pour la concentration, indispensable à l’acquisition des savoirs fondamentaux.
Sérénité et gestion des émotions
Charlotte, parent d’élève accompagnatrice en plusieurs occasions de la classe dehors, constate que les enfants « sont plus sereins et expriment mieux leurs émotions » quand ils pratiquent la classe dehors. En se dépensant plus à l’extérieur, et en s’immergeant dans l’environnement, « ils développent à la fois une quiétude et une aisance qu’ils n’ont pas forcément quand ils passent trop de temps à l’intérieur ».
Lutter contre le phénomène de désertion de la lecture
Benjamin Gentils prend l’exemple d’enfants de CM1 de la Seine-Saint-Denis (93) qui ont récité leurs poèmes à un arrêt de bus à Bobigny, leur permettant de rendre la lecture amusante et vivante : « Cela doit faire partie de l’apprentissage de la lecture. Au 19e siècle, la conquête de la lecture était primordiale. Aujourd’hui, la reconquête de la lecture redevient un défi face aux écrans. On revient aux enjeux de l’époque de Jules Ferry ».
Abécédaire naturel, CP, Ecole de la Roche Bleue, Cercié, 69
Tout apprendre en pleine nature : l’école sans murs
Contrairement aux idées reçues, la classe dehors ne se limite pas aux sciences de la vie et de la Terre. « On peut tout y apprendre, on peut suivre et finir tous les programmes : l’enseignement se fait par terre, on lit à l’ombre des arbres. Tous les apprentissages, les savoirs fondamentaux, écrire, verbaliser, faire de la philosophie, la découverte des métiers…Même la révision du bac blanc de français sous la forme d’événements littéraires dans l’espace public rencontre un grand succès auprès des élèves » assure Benjamin Gentils.
Gérer les « risques mesurés » : une approche pragmatique
L’un des freins souvent évoqués est la question de la sécurité. Le directeur de La Fabrique des communs pédagogiques y répond sans détour : « C’est l’apprentissage de risques mesurés ». Il ajoute : « Un enfant a plus de chance d’attraper froid s’il est tout le temps à l’intérieur. Plus de chance de se faire mal s’il n’expérimente pas de monter aux arbres. Plus il se confronte au risque, moins il s’y expose. » La classe dehors permet une meilleure gestion des risques par l’expérimentation.
Et la météo ? « Il n’y a pas de mauvais temps, il n’y a que de mauvais vêtements », aime à rappeler Benjamin Gentils, citant un adage nordique. Même sous la pluie, des souvenirs incroyables peuvent naître, comme ces élèves qui ont fait classe assis sous une bâche puis l’ont utilisée pour faire une chenille sur le chemin du retour vers l’école. En cas de canicule, un espace ombragé ou la proximité d’un cours d’eau offrent souvent de meilleures conditions de concentration qu’une classe surchauffée.
La France à la traîne, mais une loi en préparation
Malgré les bénéfices avérés, « la France est à la traîne », déplore une tribune parue dans Le Monde en mai 2025. Alors que des pays comme l’Allemagne, la Suisse ou les pays nordiques ont depuis longtemps intégré le plein air à leur pédagogie, les enfants français passent dix fois moins de temps dehors qu’il y a trente ans. Un constat alarmant : près de 40 % des enfants de 3 à 10 ans ne jouent jamais dehors en semaine. Ce « déficit de nature » engendre un isolement sensoriel et un mal-être croissant.
C’est pourquoi une proposition de loi, fruit d’un travail collectif entre la société civile et des parlementaires, est sur le point d’être déposée à l’Assemblée nationale et au Sénat. Elle vise un objectif ambitieux : changer la vie de 12 millions d’élèves en inscrivant durablement la classe dehors dans le code de l’éducation, de la maternelle au lycée, et même dans les structures de petite enfance. Cette loi souhaite « rendre effectif le droit des enfants à grandir au contact de la nature ».
Utiliser des jumelles, classe dehors des CE1 de l’école Claris de Florian, Izon, 33
Témoignages : la classe dehors, ça change la vie !
L’expérience des plus jeunes : des cabanes où mettre les doudous
Charlotte, maman d’une élève qui a pratiqué la classe dehors en grande section de maternelle, a eu l’occasion d’accompagner sa fille dans ses sorties : « C’est une pratique qui prend du temps de préparation aux professeurs. C’est pourquoi, pour développer l’activité, le soutien des parents peut être crucial. Lors des classes dehors, c’est une vraie aide pour eux. Et cela nous permet de constater que tout s’y déroule très bien : les enfants sont super sages et il n’y a aucune dérive. Les programmes pédagogiques sont appliqués à la lettre, même si les enseignants ont plus de liberté pédagogique en maternelle ».
« À chaque fois, on se rendait au parc de la ville, à pied. Pour beaucoup d’enfants, c’était la première fois qu’ils marchaient aussi longtemps. Une première expérience qui les a marqués », se souvient-elle. Une fois sur place, au programme : histoires, comptines, activités par groupe (reconnaissance d’arbres, collecte d’objets naturels à aller chercher en autonomie) et leur moment préféré, sur le temps de récré, le jeu libre à courir dans les herbes hautes que la municipalité n’avait pas coupées : « C’était trop chou », s’enthousiasme Charlotte.
Le fil rouge de ces classes dehors : le thème des cabanes, « leur histoire, comment les construire, leurs différentes tailles. Et également un refuge idéal où mettre les doudous et les Playmobil », se remémore la maman. Pour elle, ces activités pédagogiques, via l’établissement de rituels et d’activités de motricité, permettent de donner plus confiance en eux aux enfants. Ainsi, ils s’approprient le monde et l’environnement dans lequel ils vivent, s’y sentent en sécurité, et n’en ont pas peur.
Les collégiens : théâtre en plein air et maths ludiques
Raphaël, 12 ans et en cinquième, a fait l’expérience de la classe dehors en CP et, plus récemment, l’année dernière, en sixième, pendant la canicule. Son souvenir le plus marquant ? Un cours de français revisité par sa professeure : « On avait fait du théâtre, plus amusant, plus vivant que de la lecture », avec des fables de La Fontaine. Au lieu d’une dictée en classe, il s’est retrouvé à jouer le rôle d’un animal donnant la réplique à ses camarades, sous un préau, tous assis en rond par terre, loin de la chaleur de la salle de classe. « C’était un bon souvenir, plus spontané que la classe normale. J’ai aimé pouvoir m’exprimer à l’oral plutôt qu’à l’écrit ».
Quant à Léa, également 12 ans et en cinquième, elle a adoré faire des arts plastiques en extérieur quand elle était en primaire. Cette année, ce sont les maths qu’elle a pratiquées dehors, avec la professeure de maths et la professeure documentaliste : « Il y avait plusieurs activités telles que mesurer le diamètre d’un arbre et compter les figures géométriques sur la façade du collège ». Un changement bienvenu dans le quotidien scolaire, même si « une araignée m’est montée dessus et que j’ai crié très fort. J’ai failli faire une crise cardiaque ! », s’amuse-t-elle.
En itinérance sur les plages du débarquement, classe dehors des 3eme de la LPA Vire
Du côté des enseignants : bien-être et pertinence
Marine, la professeure documentaliste de Léa, qui enseigne à Gournay-sur-Marne (93), s’est lancée dans la classe dehors par souci du bien-être de ses élèves. « C’était l’occasion de faire adhérer et donc progresser des élèves plus en difficultés, en les sortant du cadre de la classe » , explique-t-elle. Le retour des étudiants est aussi très encourageant : « À chaque sortie, les élèves partagent massivement que l’heure est passée trop vite, qu’ils n’ont pas eu l’impression de travailler ! C’est une belle validation de nos envies ! C’est aussi ce qui nous permet de nous renouveler ».
Dans son CDI d’Eugène, en plus des maths et du français, elle organise des classes dehors sous différents formats : goûters littéraires, siestes contées, club Relaxation…Tous imaginés pour répondre à des « objectifs pédagogiques réfléchis et donc pertinents ». Ambassadrice de la classe dehors, elle invite ses collègues et les parents intéressés par ces démarches à se référer aux nombreuses ressources gratuites de la classe dehors, un commun numérique initié par l’association de la Fabrique des Communs Pédagogiques.
La classe dehors : un mouvement qui prend de l’ampleur
Loin d’être une simple mode, la classe dehors est un mouvement profond qui s’inscrit dans une logique de politiques publiques émergentes. Plus de 5 000 écoles, collèges et lycées dans toute la France ont déjà au moins un enseignant qui pratique la classe dehors. Une carte interactive nous permet de visualiser les communes concernées.
Les Rencontres internationales de la classe dehors, réunissant des milliers de professionnels et d’enfants, sont un témoignage de cette dynamique. Au-delà du cadre scolaire, des initiatives parentales émergent, comme les « mercredis buissonniers » qui permettent de créer des solidarités et de transmettre des compétences complémentaires aux enfants en forêt.
Grandir avec la nature, c’est donner aux enfants les outils pour comprendre leur environnement, s’y reconnecter, et développer leur résilience face aux défis écologiques. La classe dehors n’est pas seulement une pédagogie, c’est une philosophie qui vise à réenchanter le monde et à offrir à nos enfants une vie plus riche, plus saine et plus unie à ce qui les entoure.
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