Le regard d’Olivier Liron sur Asperger : « Il faut arrêter de pathologiser la différence »  

Blog Le regard d’Olivier Liron sur Asperger : « Il faut arrêter de pathologiser la différence »  

Par Bénédicte Flye Sainte Marie le

Olivier Liron atteint du syndrome Asperger

Malgré des capacités cognitives élevées, voire très supérieures à la moyenne, la scolarité et plus largement le parcours de vie des enfants Asperger s’avèrent souvent chaotiques et douloureux. Lui-même atteint par ce syndrome, Olivier Liron, écrivain, dramaturge et auteur des merveilleux Danse d’atomes d’or et Einstein, le sexe et moi, nous éclaire sur la tendance qu’à notre société à nier les spécificités des enfants autistes Asperger et à les enjoindre à se plier à tout prix à une norme qui les déstructure.

Pourquoi notre système éducatif peine-t-il encore tellement à repérer les personnes qui souffrent du syndrome d’Asperger ?

Olivier Liron : Je ne suis pas certain que ce soit son rôle. Car le diagnostic n’engage pas que l’école. C’est qui est problématique, c’est la question de l’acceptation de la différence. Ce n’est pas une tradition en France, où l’on a plutôt tendance à vouloir la minimiser. Notre pays a beaucoup de retard dans ce domaine… Or, il y nécessité et urgence à accepter ces enfants Asperger dans leur singularité et à les protéger de toutes formes de violences et de discriminations, car ce sont des populations fragiles et exposées, particulièrement en ce qui concerne les adolescents qui sont en pleine construction de leur personnalité, et auprès de qui il faut être particulièrement vigilant.

L’école est en première ligne, mais elle est le reflet et l’antichambre de la société. Cette dernière doit évoluer pour faire bouger l’école. Pour l’instant, elle est ainsi faite qu’elle les contraint à s’adapter au lieu de s’adapter à eux. Mais je suis plutôt positif quand je vois le nombre de personnes qui s’engagent aujourd’hui pour changer les choses. Ça a beaucoup progressé par rapport à il y a vingt ans. Quand j’étais petit, il n’y avait aucune connaissance du syndrome d’Asperger, que ce soit dans les familles ou dans l’univers scolaire. 

Votre propre diagnostic Asperger a été posé tardivement. Qu’est-ce que cela a induit pour vous ? 

Olivier Liron : J’étais un élève qui était très à l’aise en termes de résultats scolaires mais pourtant très vulnérable. J’ai subi très tôt des agressions physiques et sexuelles. Le souci dans notre fonctionnement, c’est qu’on corrèle forcément la réussite scolaire à la réussite humaine, alors que l’une n’a pas forcément à voir avec l’autre… Après la sortie d’Einstein, le sexe et moi, roman dans lequel j’évoque ce à quoi j’ai été confronté, j’ai reçu des centaines de milliers de messages de lecteurs qui ne sont pourtant pas autistes. Ce qui signifie que cette expérience de l’exclusion est universelle. Il faudrait pourtant que l’on comprenne que notre monde est comme une forêt dans laquelle on a besoin de tous les arbres, pas seulement de ceux qui sont grands et forts. C’est un écosystème qui doit s’équilibrer. 

On met beaucoup l’accent en ce moment sur la notion d’inclusion. Pourquoi peut-elle être selon vous un vrai piège ? 

Olivier Liron : Effectivement, on utilise beaucoup ce mot, mais comme beaucoup de termes « essentiels », c’est fréquemment pour le dévoyer. Il ne faut pas que ce soit le prétexte pour forcer les enfants différents à entrer dans d’autres moules, comme le projet qui consisterait à faire de tous les enfants autistes Asperger des génies du codage. Moi qui évoque beaucoup mes émotions, qui ne vis et ne respire que pour l’écriture, je ne m’y reconnais pas du tout ! Cela revient à remplacer un stéréotype par un autre, et à te dire « on t’accepte pour peu que tu te conformes à ce modèle ». Ça me fait penser au mythe de Procuste, un brigand qui coupait les jambes des voyageurs qu’il recevait chez lui, s’ils étaient trop grands, ou leur déboîtait les articulations pour les étirer, lorsqu’ils étaient trop petits, pour que leurs corps s’ajustent parfaitement à la taille de ses lits…

Est-ce pour cela que vous n’avez de cesse de plaider pour que l’on considère Asperger comme une différence et non pas comme un handicap ? 

Olivier Liron : Oui, même si je n’ignore pas que pour certains parents d’enfants Asperger, c’est très lourd à porter. Mais je m’interroge beaucoup sur la notion de handicap. Qu’est-ce qui prouve qu’on est inadapté et que ce n’est pas ce qui nous entoure qui l’est ? Je trouve qu’il faudrait arrêter de pathologiser la différence. Cela remet la faute sur les enfants et les parents qui sont concernés. Ceux qui sont « anormaux » à mes yeux, ce sont ceux qui les rejettent. Il y a une force et une beauté dans ce que nous sommes.  

Eu égard à votre notoriété et votre visibilité médiatique, estimez-vous avoir un rôle à assumer dans cette acceptation ? 

Olivier Liron : Oui, parce que l’écriture porte la parole d’autres gens. Cela peut permettre à un certain nombre de personnes de sortir de la culpabilité. Je pense donc que j’ai énormément à apporter, même si je ne veux pas prendre la place de ceux et celles dont c’est le métier.

En pratique : Olivier Liron a écrit deux romans, Danse d’Atomes d’or et Einstein, le sexe et moi, publiés aux éditions Alma, et prépare un troisième livre dont l’héroïne ne sera autre que sa maman, Nieves 

En savoir plus sur le syndrome d’Asperger : Classé dans le spectre des troubles autistiques, le syndrome d’Asperger, qui est d’origine neurodéveloppementale, se traduit par des difficultés à assimiler les codes de la communication verbale et non-verbale (expressions faciales, gestes, ton de voix, sens figurés) et à nouer des relations sociales. Cela s’accompagne des comportements répétitifs, d’anxiété, parfois de dépression. Pour vous documenter, rendez-vous sur les sites de Spectre de l’autisme et d’ Autisme France

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