Comment mettre en œuvre la méthode Montessori à la maison ?

Blog Comment mettre en œuvre la méthode Montessori à la maison ?

Par Nathalie Brunissen le Mis à jour le 03/02/2022

méthode montessori à la maison Audrey Zucchi

L’éducation Montessori est l’une des pédagogies alternatives à la mode. De nombreux produits sont aujourd’hui estampillés « Montessori », pour une application à la maison. Nous avons rencontré Audrey Zucchi, fondatrice du site No Milk Today, qui propose des kits pédagogiques Montessori. Elle est aussi l’auteure d’un livre de cuisine Montessori pour les 2-6 ans, « Grands apprentissages Montessori pour petites mains », chez Marabout.

Vous connaissez, ou du moins vous avez déjà entendu parler des écoles Montessori. Aujourd’hui, la pédagogie prônée par la célèbre pédagogue Maria Montessori va bien au-delà de ses écoles alternatives. On voit en effet de plus en plus de livres Montessori, de jeux et jouets Montessori, ou d’outils Montessori dédiés à l’organisation familiale. Alors simple effet de mode ? Stratégie marketing pour surfer sur la défiance de plus en plus grande des parents vis-à-vis de l’éducation traditionnelle ? Et qu’apportent effectivement à l’enfant tous ces produits destinés à appliquer la méthode Montessori à la maison ? Entretien avec Audrey Zucchi.

Audrey Zucchi, quels sont les principes de la pédagogie Montessori ?

Audrey Zucchi : Le plus grand principe, celui qui est à la fois hyper simple et assez révolutionnaire, c’est celui qui consiste à dire que chaque enfant a un programme de développement interne qui lui est propre. Et que c’est uniquement poussé par la curiosité qu’il va petit à petit apprendre tout ce qui lui est nécessaire pour s’adapter à son environnement et exprimer son plein potentiel. C’est LE principe qui est valable tout au long de l’éducation Montessori de 0 à 24 ans. Chaque enfant fait à son rythme.

L’enfant a tout de même besoin d’être guidé ?

Audrey Zucchi : Bien sûr ! Le rôle de l’adulte est capital. C’est vraiment un rôle de guide bienveillant, dans un environnement qui amène à la stimulation. Il va préparer l’environnement pour qu’il soit adapté à ce que l’enfant peut faire. Il va avoir une attitude extrêmement subtile avec à la fois la proposition de nouvelles activités et un certain retrait pour ne pas gâcher des phases de concentration de l’enfant. Quand l’enfant se trompe, il ne faut surtout pas aller le voir en lui disant « non, ça n’est pas comme ça ! ». On le laisse expérimenter parce que l’erreur, c’est constitutif du processus d’apprentissage.

Comment s’applique la méthode Montessori  à la maison ?

Audrey Zucchi : Pour vraiment faire du « Montessori » qui fonctionne comme tel, il y a plein de façons différentes. Si on raisonne sur les très jeunes enfants, effectivement, on est sur des exercices de vie quotidienne que Maria Montessori appelait « les exercices préliminaires », c’est-à-dire préliminaires aux autres apprentissages. Ils servaient à savoir se contrôler, mémoriser, planifier… L’idée est de rendre un objectif ultra explicite et clair pour l’enfant (ex : il ne restera plus une goutte d’eau sur la table, donc elle sera propre). On lui montre comment faire d’une manière super ordonnée.

Fait-on du « Montessori » sans s’en rendre compte ?

Audrey Zucchi : La différence entre « je crois faire du Montessori » et « je fais du Montessori », c’est sur une multitude de détails qui vont s’appuyer sur plein de petites étapes qui sont très planifiées, très ordonnées, avec toutes sortes de matériels. C’est dans ces petites étapes qui peuvent souvent sembler rébarbatives aux parents que l’enfant va apprendre la finesse du geste et apprendre à se contrôler, mémoriser et planifier, et donc développer ce qu’on appelle les compétences exécutives, c’est-à-dire les compétences identifiées par les neurosciences comme facilitant tous les autres apprentissages.

Quels sont les outils à la portée des parents pour une mise en œuvre à la maison ?

Audrey Zucchi : Il n’est pas certain qu’on ait besoin d’outils. Mais il est certain qu’il faut adapter l’environnement à la taille de l’enfant. Si on veut qu’il évolue avec envie, il ne faut pas qu’il soit dans la difficulté de le faire. Par exemple, apprendre à s’habiller le matin, si l’armoire et globalement sa chambre n’est pas adaptée, ça ne fonctionne pas. Quand on pratique à la maison, il faut prendre pièce par pièce et mettre les choses à hauteur d’enfant. Vous vous mettez à genoux et vous regardez ce que vous voyez à cette hauteur-là. Il y a ensuite une petite recherche d’accessoires et d’outils adaptés à la taille de l’enfant.

Le mouvement Montessori est-il une philosophie de vie ?

Audrey Zucchi : Je trouve que l’intérêt de se plonger dans Montessori est double : le premier, installer des choses à hauteur d’enfant, vous rappelle que votre enfant est… un enfant. Avec son développement neurologique et l’affirmation de sa personnalité

La deuxième chose, la pédagogie Montessori vise à ce qu’il y ait une équité très forte entre tous les membres de la famille. Les enfants ne vivent pas dans un monde parallèle, et leur vocation, ça n’est pas que de jouer. Ils aiment beaucoup se rendre utiles, ils ont envie de faire comme nous. En les incluant, « oui, tu vas m’aider à… », on rétablit des rapports d’équité entre les membres de la famille.  Et plus d’équité, ça veut dire plus de respect.

L’éducation Montessori est-elle dans la lignée de l’éducation bienveillante ou positive ?

Audrey Zucchi : Ce qu’on met parfois sous l’étiquette « éducation positive », ce sont des formulations de phrases qui visent à manipuler les enfants pour leur faire croire qu’on leur donne raison. En tant qu’adulte, on imagine que dans la confrontation entre adulte et enfant, c’est toujours l’adulte qui doit gagner. La philosophie Montessori est intéressante parce qu’on est toujours en train de se dire « l’enfant est un être en développement », et du coup, il n’y pas de rapport perdant-gagnant. Et oui, des fois, on a le droit de ne pas être d’accord.

On se dit qu’il ne faut pas rentrer dans le conflit, donc au lieu de dire « range ta chambre, sinon on ne va pas au parc ! », on dira « dès que tu auras rangé ta chambre, nous irons au parc ». Est-ce que vous croyez vraiment que l’enfant fait la différence ? Dans l’éducation positive, je trouve qu’on leurre les parents et les enfants, parce qu’on est dans une sorte de maquillage.

Montessori à la maison, c’est faire comme les grands… et que les grands laissent faire ?

Audrey Zucchi : Montessori à la maison pour les moins de 10 ans, effectivement, c’est faire comme les grands. Montrons-leur en leur apprenant à délier leurs mouvements, à le faire de manière extrêmement lente, et en leur montrant avec précision comment faire à leur tour. Dans ce cadre-là, oui, effectivement les grands laissent faire. Mais à priori, ce que ça veut dire aussi, c’est qu’il n’y aurait pas de mal à ce que les grands laissent faire si les grands ne montraient pas quelquefois le mauvais exemple. Donc on ne laisse pas tout faire.

Dans les écoles Montessori, ça c’est quelque chose qui fonctionne extraordinairement bien. Quand vous mettez des enfants dont les âges sont très différents, les petits vont regarder les grands comme des demi-dieux sur terre, et du coup ils ont très envie d’aller vers ces apprentissages. A l’inverse, pour les grands, la présence des petits est absolument géniale, parce qu’on ne maîtrise bien que quelque chose qu’on est capable de transmettre. Quand un grand explique à un plus petit, c’est qu’il a vraiment bien compris. Au-delà de la consolidation des apprentissages, il y a quelque chose de l’ordre de la bienveillance et du vivre ensemble qui est super chouette.

Dans votre livre « Grands apprentissages Montessori pour petites mains », vous dites que la cuisine, outre un moment de partage, est le terrain de toutes sortes d’apprentissages. Lesquels ?

Audrey Zucchi : Pour mon livre, je suis allée voir des chercheurs du CNRS. Pour eux, la cuisine, c’est un soutien scolaire de taille. Nous les parents, on a tous une angoisse : « est-ce que mes enfants vont réussir à l’école ? ». Ce qu’ils nous conseillent, c’est de ne pas développer d’autres méthodes à la maison, ne pas usurper le rôle de l’enseignant.

En revanche, il y a deux choses à la maison qui sont super, notamment par le biais de la cuisine : le premier, qui n’est pas suffisamment travaillé à l’école et qui pose vraiment problème, c’est de travailler les compétences exécutives de l’enfant. Quand vous faites une recette avec votre enfant, lui, il va participer à une étape de la recette. Et cette étape, vous allez la lui confier en autonomie. Et pendant que vous allez vous atteler au reste de la recette, il va devoir se focaliser sur ce qu’il est en train de faire. Vous allez organiser son espace de travail de telle manière à ce qu’il y ait plein de toutes petites étapes qu’il doit faire, pour que ce soit une étape de la recette qui soit très construite et qui va lui permettre de développer ses compétences exécutives et ses capacités d’attention. Plus il va être capable de se concentrer quand il est à l’école et plus faciles seront ses apprentissages.

La deuxième chose intéressante dans le fait de faire la cuisine avec ses enfants au quotidien, c’est qu’à la maison, on peut rentrer dans les apprentissages en les montrant d’un point de vue vraiment concret.  Quand on n’est pas dans des écoles alternatives, le programme est le même pour tous. Donc on a trente enfants qui font la même chose au même moment. Pour les enfants qui seraient plus en difficulté et pour lesquels les acquis ne seraient pas bien compris, la cuisine va permettre de travailler par le biais du jeu. On peut aller plus loin avec l’enfant sans empiéter sur la manière dont apprend l’instituteur.

Les chercheurs ont vraiment insisté sur l’importance de soutenir la curiosité des enfants. Ce dont ils s’aperçoivent, c’est qu’à partir de l’âge de 7 ans, l’intérêt des enfants pour l’école décroit jusqu’à atteindre un stade, vers 11 ou 12 ans, où il est vraiment hyper bas pour la majorité d’entre eux. Souvent parce que les apprentissages sont en décalage avec leurs propres envies. Ca n’est pas du soutien scolaire qu’on doit leur donner, c’est alimenter le moteur de la curiosité.

Comment faire la cuisine peut-il aider un enfant qui n’aime rien (ou difficile) ?

Audrey Zucchi : Apparemment, 100 % des enfants ont des rejets alimentaires. Ca dure plus ou moins longtemps et c’est plus ou moins fort. Il y a des tas de chercheurs qui travaillent là-dessus, parce que ça a des impacts à très long terme. En tant que parent, si on baisse les bras, si on ne veut pas batailler tous les soirs, on se rend compte que ça a des conséquences à très long terme dans l’alimentation des enfants et que ça participe à l’épidémie mondiale d’obésité. Quand on n’apprend pas, petit, à aimer le goût subtil des fruits et des légumes, vraisemblablement, c’est quelque chose qui reste pour la vie entière.

Mais rassurons les parents : il existe des tas de stratégies pour leur apprendre à aimer ! Parmi celles qui fonctionnent super bien, il y a évidemment celle de cuisiner ensemble. En tout cas de s’intéresser au repas ensemble. Ca commence par aller faire les courses ensemble. Qu’est-ce qui te ferait plaisir de goûter ? Quel légume te ferait envie ? Et si tu en choisissais un pour qu’on le cuisine ensemble ce soir ? Puis de rentrer à la maison et de l’observer sous toutes les coutures, le sentir, le toucher…

Souvent, parce qu’on est dans un mode de vie ultra rapide et stressé, on cuisine à la va-vite, en faisant en sorte que les enfants soient occupés très loin. On leur pose une assiette à table et on les regarde manger. Parce que nous, on ne mange pas en même temps qu’eux, parce qu’ils mangent trop tôt. Ils sont donc complètement déconnectés de la préparation du repas. Les amener en cuisine, c’est pouvoir leur faire goûter les aliments crus, cuits.

Qu’est-ce que « mettre les mains à la pâte » en cuisine va apporter à l’enfant ?

Audrey Zucchi :Les enfants jeunes surtout, ont un problème de « catégorisation alimentaire ». Pour eux, une carotte, c’est forcément un truc long, orange, avec une petite queue verte. Du coup, quand on leur sert une purée de carottes, ils ne reconnaissent pas le légume qu’ils ont vu. Ils ont l’impression à chaque fois de manger quelque chose de nouveau, donc ils se méfient. Il faut absolument qu’ils puissent voir la transformation du produit initial avant qu’il se trouve dans leur assiette.

Comment la méthode Montessori peut-elle s’avérer intéressante dans l’éducation au goût ?

Audrey Zucchi : Il faut être clair, Maria Montessori n’a jamais donné des cours de nutrition. En revanche, ce que beaucoup de gens ignorent, c’est que c’était une chercheuse, un médecin, qui abordait les enfants d’un point de vue scientifique. Son objectif était de comprendre comment l’enfant peut être amené à exprimer son plein potentiel, d’un point de vue pédagogique. Mais elle avait également une vision holistique de l’éducation qui inclut la santé, et notamment l’alimentation car ce que l’on donne à manger à nos enfants est crucial pour qu’ils puissent bien apprendre !

Je suis ainsi convaincue qu’en voyant l’évolution de l’industrie agroalimentaire (avec ses aspects positifs mais aussi négatifs), elle nous aurait probablement alerté sur l’impact d’une alimentation ultra transformée, pleine d’additifs, de colorants, susceptible d’avoir de répercussions sur le comportement des enfants et sur leurs facultés d’apprentissage.

Il y a une éducation des parents à faire aussi ?

Audrey Zucchi : C’est un peu l’objectif du livre (Grands apprentissages Montessori pour petites mains). J’ai plein de parents qui me disent : « je n’ai pas du tout le temps de cuisiner avec mon enfant ».  Moi, mes enfants ils ont 3 et 6 ans, et heureusement qu’ils m’aident tous les soirs ! En fait, ça va dix fois plus vite. Oui, il y a un moment où quand ils sont tout petits, vous allez passer un peu de temps à expliquer comment on lave les légumes, comment on coupe en rondelles les courgettes, etc, Mais c’est autant de temps à surveiller que le petit n’est pas en train de jouer avec un truc bizarre… Là, vous êtes tous ensemble. Les enfants sont reconnus dans leurs compétences, et dans leur estime personnelle, c’est aussi très fort de dire « c’est moi qui l’ai fait ». Et à 10 ans, ils préparent des recettes tous seuls. C’est une chose essentielle à faire percevoir aux gens qui ont l’impression de manquer de temps.

Vous avez des enfants de 3 et 6 ans. Quand vous êtes-vous intéressée à la pédagogie Montessori ?

Audrey Zucchi : Je m’y suis intéressée quand Gary a eu un an, en voyant qu’il voulait absolument faire comme moi. Quand il a commencé à me dire « moi tout seul », je me suis dit que c’était forcément un biais d’apprentissage et une façon de nous rapprocher. J’ai cherché des produits ergonomiques adaptés, mais je n’ai rien trouvé.  Au niveau du mobilier pour enfant, il y avait très peu de choses qui permettaient à l’enfant de faire tout seul. Il y a encore cinq ans, on était encore très loin de ça. Du coup j’ai commencé à sourcer des produits dans le monde entier que je faisais venir parfois de très loin. J’avais une équipe de petits testeurs qui testaient des accessoires pour faire à la maison. On a fini par en faire une société, No Milk Today, qui vend des kits pour adapter la maison à la taille de l’enfant.

Au-delà de ce livre de recettes Montessori, quels autres outils pratiques proposez-vous aux parents ?

Audrey Zucchi : A chaque fois, le principe, c’est que ce sont des outils doubles, à la fois pour les parents et pour les enfants. Le calendrier, c’est un outil de planification classique, mais où tous les mois vous avez un défi à relever en famille. En septembre, comment faire en sorte que les matins soient zen et bien organisés. En novembre, au moment du changement d’heure, comment avoir un coucher calme et sans peine… Tous les mois on a également des exercices d’inspiration Montessori qui sont proposés à la fois pour les parents et pour les enfants, des magnets pour que l’enfant mettent en place les routines du quotidien ou participe aux tâches ménagères.

Audrey Zucchi est l’auteure, chez Marabout, de  :

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